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POLYBE, LIV. VI.

C’est cette facilité qu’ils recherchent, surtout dans les campemens ; en quoi ils ont pris une voie tout opposée à celle des Grecs ; car, chez ceux-ci, quand il s’agit de camper, le lieu le plus fort par sa situation est toujours celui qu’ils choisissent, tant pour s’épargner la peine de creuser un fossé autour du camp, que parce qu’ils se persuadent que des fortifications faites par la nature sont beaucoup plus sûres que celles de l’art. De là vient la nécessité où ils sont de donner à leur camp, selon la nature des lieux, toutes sortes de formes, et d’en varier les différentes parties ; ce qui cause une sorte de confusion qui ne permet pas au soldat de savoir au juste ni son quartier, ni celui de son corps, au lieu que les Romains comptent pour rien la peine de creuser le fossé et les autres travaux, en comparaison de la facilité et de l’avantage qui se trouve à camper toujours de la même façon. Voilà ce que nous avions à dire des légions, et surtout de leur manière de camper. (Dom Thuillier.)


VI.


Parallèle entre la république romaine et les autres républiques.


Presque tous les historiens nous ont parlé avec éloge des républiques de Lacédémone, de Crète, de Mantinée et de Carthage. Celles d’Athènes et de Thèbes ont eu aussi leurs panégyristes. Pour moi, je n’ai rien à dire des quatre premières, et à l’égard des deux autres, elles ont fait si peu de progrès, elles se sont si peu maintenues dans l’état florissant où elles se sont vues quelquefois, et elles ont si fort négligé de faire les changemens que la prudence demandait, qu’elles ne méritent pas qu’on s’y arrête beaucoup. Si quelquefois leurs affaires paraissaient être dans un état prospère, c’était un éclat passager qui ne donnait que de vaines espérances pour l’avenir, et tout d’un coup un événement fâcheux les remettait dans leur état primitif. Les Thébains ne se sont fait quelque réputation parmi les Grecs en attaquant les Lacédémoniens, que parce que ceux-ci avaient eu l’imprudence de s’attirer la haine de leurs alliés, et qu’ils avaient à leur tête un ou deux citoyens qui savaient la faute que les Lacédémoniens avaient faite. Une preuve évidente que ce n’est point à la constitution de leur gouvernement, mais au mérite de ceux qui gouvernaient, qu’ils étaient redevables de leurs succès, c’est que la république ne s’est étendue et n’a fleuri qu’autant qu’Épaminondas et Pélopidas ont vécu, et qu’elle est pour ainsi dire morte avec ces deux grands hommes.

Il faut penser à peu près la même chose de la république d’Athènes. Heureuse de temps en temps, mais parvenue au comble de la gloire du temps de Thémistocle, elle tomba bientôt de ce haut degré de prospérité. Le partage et la diversité des sentimens en fut la cause ; car il en a toujours été des Athéniens comme d’un vaisseau où personne ne commande. Ici, quand les matelots, ou menacés de l’ennemi, ou agités par la tempête, s’accordent tous et obéissent de concert aux ordres du pilote, tout ce qui s’y doit faire se fait avec la plus grande exactitude ; mais lorsque, commençant à se rassurer, ils refusent d’obéir, ne s’accordent pas sur ce que l’on doit faire, et se soulèvent les uns contre les autres, que les uns veulent continuer la route, les autres aborder en quelque endroit, que ceux-ci déploient les voiles, et ceux-là ordonnent qu’elles soient ferlées, cette division séditieuse donne un spectacle