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POLYBE, LIV. VII.

étaient restés à Messène supportèrent avec peine de voir ces hommes jouir des mêmes droits qu’eux-mêmes. (Suidas in Ισηγοριαι.) Schweigh.


Gorgus le Messénien n’était inférieur à aucun de ses concitoyens par ses richesses et l’éclat de sa naissance ; pour ce qui est de son mérite comme athlète, dans sa jeunesse il avait été le plus célèbre de tous ceux qui se disputaient la couronne dans les jeux gymnastiques. En effet, et par la noblesse de ses formes, et par sa conduite pendant toute sa vie, et par le nombre des couronnes qu’il avait remportées, il ne le cédait à aucun homme de son âge. Bien plus, lorsque après s’être retiré des combats du gymnase, il s’appliqua au gouvernement de la république et à l’administration des affaires de sa patrie, il ne retira pas une moindre gloire de ses travaux que de sa vie passée. En effet, il se montra bien éloigné de cette ignorance et de cette rusticité qui caractérisent presque toujours les athlètes, mais il acquit encore, dans la république, la réputation d’un homme très-habile et très-prudent dans le gouvernement des affaires. (Excerpta Valesian.) Schweigh.


Demetrius de Pharos persuade à Philippe, roi de Macédoine, de s’emparer d’Ithome, forteresse de Messène. — Sentiment contraire d’Aratus.


Tout fait, considéré dans le moment opportun, peut être sainement approuvé ou blâmé ; l’occasion est-elle passée, ce même fait, jugé d’après d’autres circonstances, peut souvent paraître non-seulement inadmissible, mais encore insoutenable.

Philippe, roi de Macédoine, qui voulait s’emparer de la citadelle des Messéniens, ayant dit aux principaux de la ville qu’il désirait visiter leur citadelle st y faire un sacrifice à Jupiter, y monta avec sa suite. Après les sacrifices, suivant l’usage, les entrailles des victimes lui ayant été présentées pour qu’il les examinât, il les prit dans la main, et, s’inclinant un peu, il demanda à Aratus, en les lui montrant, ce qu’il en pensait : si elles ordonnaient de lever le siége de devant la citadelle, ou de le continuer. Alors Demetrius, saisissant cette occasion : « Si vous ajoutez foi, dit-il, aux rêveries des devins, il faut partir d’ici sur-le-champ ; mais si vous agissez en roi qui entend ses intérêts, vous vous rendrez maître de cette citadelle, de peur que, la laissant aujourd’hui, vous n’attendiez en vain un autre temps pour vous la soumettre ; car ce ne sera qu’en tenant ainsi ses deux cornes que vous aurez le bœuf en votre puissance. » Il entendait par les deux cornes, Ithome et l’Acrocorinthe, et par le bœuf, le Péloponnèse. « Et vous, Aratus, dit Philippe en se tournant vers lui, me donnez-vous le même conseil ? » Celui-ci, après avoir réfléchi un moment, répondit qu’il n’avait qu’à la prendre, si l’on pouvait le faire sans violer la foi qu’il avait donnée aux Messéniens ; mais que si en la prenant il devait perdre toutes les citadelles et le secours même qu’il avait reçu d’Antigonus, et par le moyen duquel il conservait tous ses alliés (il lui insinuait par là de quelle importance il était d’être fidèle à sa parole), il prît garde qu’il ne fût plus avantageux de laisser aux Messéniens, en éloignant ses troupes, une preuve de sa bonne foi, qui lui attacherait non-seulement cette ville, mais encore tous ses autres alliés. Si Philippe eût suivi son inclination, il n’aurait pas craint d’aller