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POLYBE, LIV. VIII.

noblesse de sentimens, la même grandeur d’âme, la même prudence et le même courage. Je ne les nomme pas, leurs noms sont assez connus.

Après la mort d’Alexandre, ils se disputèrent les uns aux autres les plus grandes parties de l’univers, et ils nous ont transmis eux-mêmes, par un grand nombre de monumens historiques, la gloire qu’ils se sont acquise pendant ces guerres. Timée s’est emporté contre Agathocles, tyran de Sicile, beaucoup au-delà des bornes d’une juste modération ; cependant on ne peut pas dire que ce soit sans raison : il avait à parler d’un ennemi, d’un homme méchant, d’un tyran. Mais rien ne justifie Théopompe : il se propose d’écrire l’histoire d’un prince que la nature semblait avoir formé pour la vertu, et il n’est point d’accusations honteuses et infâmes dont il ne le charge et le poursuive. Il faut donc, ou que l’éloge qu’il fait de Philippe au commencement de son histoire soit faux et bassement flatteur, ou que, dans la suite de son ouvrage, il ait perdu l’esprit, s’il s’est imaginé qu’en blâmant quelquefois son héros, sans mesure et sans raison, il rendrait plus croyables les louanges qu’il devait lui donner en d’autres endroits.

Je doute que l’on approuve davantage le plan général de cet historien. Il entreprend d’écrire l’histoire de la Grèce, en la prenant où Thucydide l’a laissée ; et quand on s’attend à lui voir décrire la bataille de Leuctres et les plus brillantes actions des Grecs, il laisse là la Grèce et se jette sur les exploits de Philippe. Or, il aurait été, ce me semble, bien plus raisonnable d’insérer l’histoire de Philippe dans celle de la Grèce, que d’envelopper l’histoire de la Grèce dans celle de Philippe. Quelque ébloui que l’on fût de la dignité, et peut-être de la puissance royale, on ne saurait pas mauvais gré à un historien qui, en parlant d’un roi, ferait mention des affaires de la Grèce ; mais jamais historien sensé, après avoir commencé par l’histoire de la Grèce et l’avoir un peu avancée, ne l’interrompra pour écrire celle d’un roi. Mais quelle raison a forcé Théopompe à ne pas s’embarrasser de ces sortes d’écarts ? C’est que d’un côté il n’y avait que de la gloire, et que, de l’autre il trouvait son intérêt. Après tout, si on lui demandait pourquoi il a changé de dessein, peut-être aurait-il des raisons à alléguer pour sa défense. Mais je ne pense pas qu’il pût dire pour quelle raison il a si cruellement diffamé la cour de Philippe. Il conviendrait apparemment qu’en cela il a manqué au devoir d’historien. (Vertus et vices.) Dom Thuillier.


Philippe fait empoisonner Aratus. — Modération de celui-ci, et honneurs qu’on lui rendit après sa mort.


Quoique les Messéniens se fussent déclarés ennemis de Philippe, ce prince n’en put tirer une vengeance qui soit digne d’être rapportée, bien qu’il ait entrepris de ravager leurs terres. Mais on ne peut rien voir de plus infâme que la manière avec laquelle il a traité ceux qui lui étaient le plus étroitement attachés. Il fit empoisonner Aratus, parce que ce vieillard vénérable n’avait point approuvé sa conduite à Messène, et pour commettre ce crime il eut recours au ministère de Taurion, qui, sous ses ordres, gouvernait le Péloponnèse. Cette infamie n’éclata point d’abord ; car le poison n’était pas de la nature de ceux qui tuent sur-le-champ, mais de ceux qui conduisent lentement à la mort. Voici comment on découvrit