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POLYBE, LIV. IX.

fit tort, que ce fût contre les règles de la justice qu’il fit plaisir aux autres. Alexandre, son successeur, croyant que, tant que subsisterait Thèbes, il resterait à la Grèce quelque espérance de se relever, la renversa, vous savez tous de quelle manière. Il n’est pas besoin que je m’étende sur la conduite qu’ont gardée, à l’égard des Grecs, ceux qui lui ont succédé. Est-il quelqu’un, si peu instruit qu’il soit dans les affaires, qui n’ait entendu parler de l’indignité avec laquelle Antipater traita les Athéniens et les autres peuples après la victoire qu’il remporta sur les Grecs à Lamia ? Il poussa l’insolence et l’injustice jusqu’au point d’établir exprès des gens pour rechercher les exilés, et de les envoyer dans les villes contre ceux qui avaient montré quelque opposition à ses desseins, ou qui avaient fait la moindre offense à la maison royale de Macédoine ; les uns furent enlevés des temples avec violence, les autres furent arrachés des autels et moururent dans les supplices. Ceux qui lui échappèrent par la fuite furent bannis de toute la Grèce ; car il ne leur restait plus de ressource que chez les Étoliens. Qui ne sait les maux que les Grecs ont soufferts de la part de Cassandre, de Demetrius et d’Antigonus Gonatas ? la mémoire en est encore toute récente. De leur temps, on vit mettre des garnisons dans les villes, le gouvernement confié à des tyrans ; nulle ville ne fut exempte du nom odieux de servitude. Mais détournons les yeux de ces persécutions, et revenons aux dernières actions d’Antigonus, de peur que quelques-uns de vous, n’en pénétrant pas la finesse, ne s’imaginent que l’on en doit savoir gré aux Macédoniens. Ce serait être trop simple que de croire que ce fut pour sauver les Achéens qu’Antigonus prit les armes contre vous, ou qu’il eût en vue de mettre les Lacédémoniens en liberté lorsqu’ils souffraient si impatiemment la tyrannie de Cléomène. La crainte et la jalousie ont été les seuls motifs qui l’ont fait agir : la crainte que sa puissance ne fût pas en sûreté si vous établissiez la vôtre dans le Péloponnèse, et la jalousie que lui donnaient les grandes qualités de Cléomène et l’éclat avec lequel la fortune vous favorisait. Il vint donc, non pour apporter du secours aux habitans du Péloponnèse, mais pour ruiner vos espérances et abaisser votre pouvoir. Ainsi vous ne devez pas tant aimer les Macédoniens, parce que, maîtres de votre ville, ils ne l’ont pas mise au pillage, que vous devez les haïr et les regarder comme ennemis, parce qu’ils vous ont déjà plusieurs fois empêché de dominer sur la Grèce, lorsque vous étiez le plus en état de le faire. Je ne vous rappellerai pas les crimes de Philippe : les sacriléges qu’il commit dans les temples de Therme sont un exemple assez sensible de son impiété, et la perfidie avec laquelle il viola le traité fait avec les Messéniens fait voir ce que l’on devait attendre de sa cruauté ; car il n’y eut entre les Grecs que les Étoliens qui osassent prendre, contre Antipater, la défense de ceux qui étaient injustement opprimés ; eux seuls résistèrent à Brennus et à la multitude de Barbares qui, sous sa conduite, faisaient irruption dans la Grèce ; eux seuls prirent les armes pour vous remettre, sur les Grecs, en possession de la suprématie qu’avaient eue vos ancêtres. Mais en voilà assez sur ce sujet ; revenons à notre délibération. Il est, en quelque sorte, nécessaire de prendre des con-