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POLYBE, LIV. IX.

clusions et des décisions comme si vous deviez faire la guerre ; mais ne croyez pourtant pas que vous ayez une guerre à faire. Loin que les Achéens, après les pertes qu’ils ont faites, soient en état d’infester notre pays, je crois qu’ils auront assez de grâces à rendre aux dieux s’ils peuvent conserver le leur propre, lorsqu’ils se verront attaqués tout à la fois par les Éléens et les Messéniens, vos alliés, et par nous autres Étoliens. D’ailleurs, Philippe rabattra bien de sa fierté lorsque, attaqué par terre par les Étoliens, il le sera encore du côté de la mer par les Romains et le roi Attalus. De ce qui s’est déjà fait il est aisé de conjecturer ce qui se fera dans la suite ; car si, n’ayant pour adversaires que les Étoliens, il n’a pu les réduire, pourra-t-il suffire contre tant d’ennemis joints ensemble ? Toutes ces raisons doivent vous persuader que quand vous ne seriez encore liés par aucun traité, et que vous entameriez pour la première fois cette affaire, il vous serait plus avantageux de vous joindre à nous qu’aux Macédoniens. Mais quand même vous auriez déjà pris votre parti, n’en ai-je pas assez dit pour vous en faire prendre un autre ? car si vous aviez conclu votre alliance avec les Étoliens avant que d’avoir reçu des bienfaits d’Antigonus, peut-être y aurait-il à délibérer si de nouveaux engagemens ne devraient pas l’emporter sur les anciens ? Mais ce n’est qu’après avoir reçu d’Antigonus cette liberté et ce secours qu’il ne cesse de vanter et de vous reprocher, qu’assemblant votre conseil et examinant auquel des deux peuples vous vous joindriez, aux Étoliens ou aux Macédoniens, vous avez préféré les premiers, que vous leur ayez donné des ôtages, que vous en avez reçu, et que vous êtes entrés dans la dernière guerre que nous avions à soutenir contre les Macédoniens. Quel doute peut-il donc encore vous rester ? Toutes les liaisons que vous aviez avec Antigonus et Philippe sont maintenant détruites. Il faut donc que vous montriez que depuis ce temps-là vous avez souffert quelque injustice de la part des Étoliens, ou qu’il vous est venu quelque bienfait de la part des Macédoniens. Ni l’une ni l’autre chose n’étant arrivée, violerez-vous les traités et les sermens, gages les plus certains d’une constante fidélité, pour vous déclarer en faveur d’un peuple dont vous avez justement rejeté l’alliance, lors même qu’il vous était libre de l’accepter ? »

Ainsi parla Chléneas. Chacun regardait cette harangue comme difficile à réfuter, lorsque Lyciscus, ambassadeur les Acarnaniens, se présenta. Il se tut d’abord, voyant qu’on s’entretenait dans l’assemblée de ce qui venait d’être proposé ; mais, dès qu’on eut fait silence, il commença en ces termes :

« Je viens ici, Lacédémoniens, pour défendre les intérêts des Acarnaniens ; mais, ayant part aux mêmes espérances que les Macédoniens, nous croyons que cette ambassade leur est commune avec nous. Comme en guerre la grandeur et l’étendue de leur puissance font que notre sûreté est établie sur leur courage et sur leur valeur, de même, quand il s’agit de délibérer, nous ne séparons pas nos intérêts de leurs droits. Ne soyez donc pas surpris si la plus grande partie de mon discours roule sur Philippe et sur les Macédoniens. Chléneas, à la fin du sien, a formulé tous vos droits par ce peu de paroles : Si, dit-il, depuis que vous avez fait alliance avec les Étoliens, ils vous ont fait quelque tort ou