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POLYBE, LIV. X.

prendre la nouvelle conquête qu’il venait de faire, persuadé que, comme on n’y espérait rien du côté de l’Espagne, on n’aurait pas plus tôt appris les avantages qu’il avait remportés, que l’on reprendrait courage et qu’on penserait plus sérieusement que jamais à pousser cette guerre. Pour lui, il resta quelque temps dans Carthage-la-Neuve pour y exercer son armée navale, et montrer aux tribuns de quelle manière ils devaient exercer celle de terre.

Le premier jour, il commanda aux légions de courir en armes l’espace de quatre mille pas ; le second, de fourbir, de nettoyer et d’examiner leurs armes devant leurs tentes ; le troisième, de se reposer et de se divertir ; le quatrième de combattre avec des épées de bois couvertes de cuir, et au bout desquelles il y avait un bouton, et de lancer des javelots garnis aussi d’un bouton à la pointe ; le cinquième, de recommencer la course qu’ils avaient fait le premier jour. Il eut surtout grand soin d’avoir des ouvriers, afin qu’on ne manquât d’aucunes armes, soit pour les exercices, soit pour les batailles. C’est pour cela qu’il donna aussi à chaque corps un intendant chargé de veiller à ce que les soldats ne manquassent de rien. Il ne laissait pas de les visiter lui-même pendant le jour, et de leur fournir tout ce qui leur était nécessaire. En voyant hors des murs les légions s’exercer à la guerre, l’armée navale éprouver la vitesse des vaisseaux et son expérience dans l’art de la navigation ; dans l’intérieur de la ville, les ouvriers occupés d’un côté à aiguiser les armes, tandis que de l’autre on entendait résonner le marteau du charpentier et du forgeron, il n’y avait personne qui ne pût appliquer à Carthage-la-Neuve le mot de Xénophon : que cette ville était un véritable atelier où l’on forgeait la guerre.

Quand il crut avoir suffisamment exercé ses troupes, et mis la ville à couvert de toute insulte par les postes qu’il y avait établis et les fortifications qu’il y avait faites, il se mit en route avec ses deux armées, et marcha vers Tarragone, ayant avec lui les ôtages qu’il avait reçus. (Dom Thuillier.)


À l’égard de la cavalerie, les manœuvres auxquelles Scipion voulait qu’on l’exerçât particulièrement, et qu’il jugeait les plus utiles en toutes circonstances, étaient les suivantes : pour chaque cavalier individuellement, les à-droite, les à-gauche, et les demi-tours ; pour les décuries, les conversions, les reversions, les demi-tours ou doubles conversions, et les trois quarts de conversion. Il faisait également sortir une ou deux files de chaque aile, et quelquefois du centre, pour les porter à quelque distance ; puis toute la ligne arrivait au galop, et elle devait, par décuries, ou par turmes, se ranger exactement dans les intervalles. Particulièrement il les exerçait aux changemens de front sur l’une ou l’autre aile, soit en les mettant d’abord en avant en colonne par pelotons de pied ferme, soit en les faisant marcher par le flanc et tourner du côté des serre-files ; car en faisant rompre la ligne en colonne par pelotons, pour exécuter le même mouvement, et faisant prendre successivement à chacun d’eux la nouvelle direction pour se mettre (par exemple sur la droite) en bataille, il jugeait que chaque peloton arrivait lentement sur la ligne où il devait se placer, et que d’ailleurs ce mouvement ressemblait à la simple colonne de route.