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POLYBE, LIV. XI.

traits les éléphans, et les tourmentèrent tellement, qu’ils firent autant de mal à leurs propres troupes qu’aux ennemis ; en effet, courant çà et là sans ordre, ils écrasaient tous ceux qui venaient à leur rencontre. Pour les ailes des Carthaginois, elles furent enfoncées sans pouvoir tirer aucun secours du centre où étaient les Africains, l’élite de leur armée ; car la crainte que les Espagnols ne vinssent les attaquer, les empêchait de quitter leur poste pour secourir les ailes, et ils ne pouvaient non plus rien faire dans leur poste, parce que les Espagnols n’étaient pas assez près pour engager l’action avec eux.

Les ailes sur lesquelles roulait toute la bataille se battirent pendant quelque temps avec courage ; mais la chaleur étant devenue fort grande, les Espagnols, qui avaient été obligés de sortir du camp sans avoir pris de nourriture, étaient d’une faiblesse à ne pouvoir soutenir leurs armes ; tandis que les Romains, pleins de force et de vigueur, avaient encore cet avantage sur eux, que, par la prudence de leur général, ce qu’il y avait de plus fort dans leur armée n’avait eu affaire qu’à ce qu’il y avait de plus faible dans celle des ennemis. Asdrubal, se voyant pressé, battit d’abord en retraite, mais peu après toute son armée s’enfuit et courut au pied de la montagne. De là, comme les Romains la poursuivaient à outrance, elle s’enfuit en désordre jusque dans ses retranchemens, d’où même elle aurait été bientôt chassée, si quelque dieu ne fût venu à son secours. Mais, un orage s’étant élevé, il tomba une pluie si abondante et si continuelle, que les Romains regagnèrent leur camp avec peine. (Dom Thuillier.)


Ilurgia, ville d’Espagne. Polybe, livre xi. (Steph. Byz.) Schweigh.


Un grand nombre de Romains, pendant qu’ils étaient occupés à chercher l’argent et l’or fondus qui avaient coulé, furent consumés par les flammes. (Suidas in Τέτηκα.) Schweigh.


Scipion réprime une sédition qui s’était élevée parmi ses soldats.


Quoique Scipion se fût acquis une grande expérience des affaires, cependant il se trouva dans un très-grand embarras, quand il se vit abandonné par une désertion d’une partie de son armée. Et l’on ne doit point en être surpris ; car, de même que, parmi les souffrances du corps, il est aisé de se précautionner contre celles qui lui viennent du dehors, comme le chaud, le froid, la lassitude ou les blessures, et d’y remédier quand elles sont arrivées ; tandis qu’au contraire celles qui s’engendrent dans le corps même, telles que sont les ulcères et les maladies, ne peuvent aisément ni se prévoir ni se guérir lorsqu’on en est une fois attaqué ; ainsi se présentent une république et une armée. Pour peu que l’on veille à leur conservation, il est facile de se mettre en garde contre les mauvais desseins de dehors, ou de les secourir quand on les attaque ; mais il est difficile d’apporter remède aux maux qui se produisent dans leur propre sein, comme aux factions, aux séditions, aux émeutes populaires : il faut pour cela une habileté, une adresse extraordinaires. Il est néanmoins une règle qui me paraît très-propre à maintenir les armées, les républiques et les sociétés dans l’ordre : c’est de ne pas laisser les hommes dans un repos et