Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/757

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
749
POLYBE, LIV. XI.

geance de l’infidélité de ce prince. Il rappela ensuite les combats que les Romains avaient livrés aux Ibériens et aux Carthaginois réunis, tandis que c’étaient les Carthaginois qui commandaient ; qu’après avoir toujours été vainqueurs dans ces combats, il serait honteux de douter que, combattant contre les Ibériens commandés par Indibilis, ils ne remportassent la victoire ; que, par cette raison, il ne voulait se servir du secours d’aucun Ibérien, et que les Romains feraient seuls cette expédition, afin que toute la terre connût que ce n’était point par le secours des Ibériens qu’ils avaient chassé d’Ibérie les Carthaginois, mais que leur valeur seule et leur courage avaient défait leurs troupes et celles des Celtibériens. « Soyons seulement d’accord entre nous, ajouta-t-il, et si jamais nous avons entrepris quelque guerre avec confiance, marchons de même à celle-ci. Ne vous inquiétez pas du succès, je m’en charge avec l’aide des dieux immortels. » À ces mots les troupes conçurent tant d’ardeur et d’assurance, qu’à les voir on eût cru qu’elles étaient en présence des ennemis, et qu’elles étaient près d’en venir aux mains.

Le lendemain de cette assemblée, Scipion se mit en marche. Au bout de dix jours il arriva à l’Èbre, et quatre jours après il l’avait passé. Il campa d’abord à la vue des ennemis, dans une vallée qui était entre eux et lui. Le jour d’après, ayant donné ordre à C. Lélius de tenir sa cavalerie toute prête, et à quelques tribuns de disposer au combat les vélites, il fit jeter dans cette vallée quelques bestiaux qui étaient à la suite de son armée. Les Ibériens ne furent pas plus tôt tombés sur cette proie, que l’on détacha quelques vélites contre eux. L’action s’engage ; on envoie de part et d’autre du monde pour soutenir le combat ; il se livre dans la vallée une vive escarmouche d’infanterie. Lélius avec sa cavalerie saisit cette occasion de fondre sur ceux qui escarmouchaient, leur coupe le chemin du pied de la montagne, et renverse la plupart de ceux qui étaient répandus dans le vallon. Cet avantage irrite les Barbares, qui, pour ne point paraître effrayés et entièrement vaincus, font marcher toute leur armée dès le point du jour et la mettent en bataille. Scipion aspirait après ce moment ; mais, voyant les Ibériens descendre imprudemment dans la vallée, et ranger dans la plaine et cavalerie et infanterie, il différa quelque temps d’aller à eux, pour leur donner le temps de ranger en bataille le plus d’infanterie qu’ils pourraient. Ce n’est pas qu’il ne se fiât point à sa cavalerie ; mais il comptait beaucoup plus sur son infanterie, qui, dans les batailles rangées et de pied ferme, était fort supérieure à celle des Ibériens, sans parler des armes et du courage, qui la mettaient encore fort au dessus de l’ennemi. Quand il y eut autant de gens de pied qu’il le souhaitait, il se mit lui-même en bataille contre ceux qui étaient postés au pied de la montagne, et fit marcher quatre cohortes serrées contre ceux qui étaient descendus dans la vallée. En même temps Lélius avança avec sa cavalerie par les collines qui du camp s’étendaient jusque dans le vallon, tomba sur la cavalerie ennemie par ses derrières, et la retint à combattre avec lui. Par là, l’infanterie qui n’était descendue dans la vallée que sur l’espérance qu’elle avait d’être soutenue par la cavalerie, étant privée de son secours, est pressée et réduite aux extrémités. La cavalerie n’était pas dans une position plus prospère. Prise dans un défilé et ne sachant