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pérance ; le temple fut sauvé par ce retard. Quatre mille grecs eurent le temps de se rassembler autour du mont Parnasse ; c’était peut-être tout ce que cette montagne pouvait contenir de combattans.

Prausus avait laissé une partie de ses forces entre le Sperchius et les Thermopyles, et ne comptait guère que soixante-cinq mille hommes en arrivant au pied du Parnasse, où l’attendaient les quatre mille défenseurs.

Aux approches d’un combat, et dans tous les grands dangers, l’âme de la multitude s’abat ou s’exalte aisément ; susceptible de toutes les impressions, il n’est pas rare de la voir admettre des prodiges. Les prêtres sortirent du temple, et protestèrent solennellement, en présence des soldats, avoir vu Apollon, Diane, et Minerve lancer des flèches contre les Gaulois.

En admettant ces moyens surnaturels, les chefs ne négligèrent point les précautions militaires. Tandis qu’on écrasait les ennemis sous d’énormes fragmens de rochers, ils les faisaient tourner par un corps de Phocéens qui connaissaient tous les sentiers de la montagne ; et les barbares, attaqués par derrière et percés à coups de flèche, sans pouvoir se défendre, prirent la fuite dans la plus grande confusion.

Pendant leur déroute, les oracles du Dieu, et les ordres des généraux furent tout différens de ce qu’ils avaient été à leur approche. On enleva des champs les bestiaux, les grains, les vins, tout ce qui pouvait fournir des vivres à ces fuyards. Ils n’avaient laissé que six mille hommes au combat ; plus de vingt mille périrent dans leur retraite.

Ils regagnèrent, non sans peine, les murs d’Héraclée. Prausus mourut des suites de ses blessures ; les Gaulois, qui avaient perdu beaucoup de monde en repassant le Sperchius et les Thermopyles, furent attaqués avec un tel acharnement, lorsqu’ils arrivèrent en Dardanie, qu’il n’en resta pas un seul, au rapport de tous les historiens.

Pausanias dit que les Grecs se défendirent encore mieux contre les brigands de l’Occident, qu’ils ne l’avaient fait contre les Perses. On trouve, en effet, dans cette occasion, le même courage, la même intelligence, avec plus d’art et moins d’effroi. Cette seconde délivrance de la Grèce fut moins célèbre que la première, et ne mérite pourtant pas moins d’éloges.

La destruction d’une armée si formidable occasionna une révolution dans les esprits d’une horde de Gaulois qui habitait aux environs du Scordus. Une partie d’entre eux en conçut un tel effroi, qu’elle retourna dans les Gaules ; d’autres, au nombre de quatre mille, se vendirent à Antigone Gonatas qui les envoya en Égypte servir Ptolémée Philadelphe ; un troisième corps, sous la conduite de Bothonatus, se retira vers le Nord, et s’établit sur les rives du Danube ; Commontorius en conduisit un quatrième aux bords de l’Hellespont.

Cette horde passa de là aux environs de Byzance. C’était une république que le navigateur Byzas avait fondée depuis près de quatre cents ans. Les Gaulois en pillèrent les campagnes, et se fixèrent près du mont Hennus.

Le peu de Gaulois restant aux pieds du Scordus se vendit à ce même Antigone Gonatas qui s’était fait reconnaître pour roi de Macédoine ; et à Pyrrhus, roi d’Épire, lorsque, déchu de l’espoir de soumettre Rome et la Sicile, il disputait la Macédoine à Antigone, et voulait asservir la Grèce, ainsi que le Péloponnèse, où il fut tué par une femme.