Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/791

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
783
POLYBE, LIV. XIV.

FRAGMENS
DU

LIVRE QUATORZIÈME.


I.


Peut-être l’exposé de ce qui s’est passé sous toutes les olympiades doit mieux exciter la curiosité, tant par le nombre des faits que par leur importance ; car, après avoir vu sous une seule série, l’ensemble des événemens qui ont eu lieu sur toute la terre, les lecteurs s’occuperont moins des faits écoulés dans l’intervalle d’une seule olympiade. Les guerres d’Italie et d’Afrique ont été mises à fin de notre temps. Et qui donc, en les lisant, ne serait pas impatient d’en saisir la catastrophe et le dénoûment ? C’est un penchant naturel aux lecteurs de connaître l’issue de toutes choses. De plus, le temps nous initie aux conseils des rois, et tout ce qui se préparait alors, apparaît aujourd’hui manifeste à ceux qui s’occupent le moins de ces recherches. Pour nous qui désirons raconter chaque chose selon son importance, nous avons réuni en un seul livre les événemens qui se sont passés durant vingt-deux années, comme nous l’avons déjà dit plus haut. (Ang. Mai, etc., ubi suprà.)


II.


Stratagème de Scipion pour ruiner les armées d’Asdrubal et de Syphax roi des Numides, sans combattre.


Pendant que les consuls donnaient tous leurs soins à ces affaires, Scipion, qui était en quartier d’hiver en Afrique, ayant appris que les Carthaginois préparaient une flotte, pensa aussi à s’en préparer une, sans néanmoins renoncer au dessein qu’il avait de mettre le siége devant Utique. Espérant aussi toujours attirer Syphax à son parti, il profita du voisinage des armées pour lui envoyer continuellement des députés, persuadé qu’il viendrait enfin à bout de le détacher de l’alliance des Carthaginois. Deux raisons le portaient à se flatter que ce prince n’aurait pas long-temps la même passion pour la jeune fille qui lui avait fait embrasser leurs intérêts : la légèreté naturelle avec laquelle les Numides passent de la possession au dégoût, et leur facilité à violer la foi qu’ils ont jurée aux dieux et aux hommes. Il se repaissait de cette pensée et foulait dans son esprit de grandes espérances de l’avenir, lorsque, craignant d’en venir à un combat avec des ennemis qui lui étaient de beaucoup supérieurs, il s’avisa pour s’en défaire, d’un autre expédient.

Quelques-uns de ceux qu’il avait députés à Syphax lui avaient rapporté que les Carthaginois dans leurs quartiers se logeaient sous des huttes faites uniquement de bois et de branchages ; que celles des Numides, qui s’étaient enrôlés d’abord, n’étaient que de joncs ; que celles des autres, que les villes avaient fournies depuis, n’étaient que de feuillage ; et que les unes étaient dedans et les autres hors du fossé et du retranche-