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POLYBE, LIV. XVI.

de Lacédémone, à l’orient d’été, et les Thalames, Phares et le Pamise, au couchant d’hiver. Il ne faut donc, pour aller par les Thalames en Messénie, ni passer à Sélasie, ni même traverser l’Eurotas.

Ce que dit encore Zénon, que Nabis sortit de Messène par la porte de Tégée, est une méprise grossière ; car l’on passe par Mégalopolis pour aller de Messène à Tégée ; il ne peut donc y avoir à Messène une porte que l’on appelle de Tégée. Ce qui a trompé Zénon, c’est qu’à Messène il y a une porte qui se nomme Tégéatide, et par laquelle Nabis sortit de la ville pour retourner dans la Laconie. C’est ce nom de Tégéatide qui a fait croire à cet historien que Tégée était voisine de Messène, quoique pour passer de cette ville dans la Tégéatide on ait à traverser toute la Laconie et le territoire de Mégalopolis.

Voici encore une autre erreur de Zénon. Il dit que l’Alphée se cachant presque au sortir de sa source, parcourt sous terre un long espace de chemin, et ne commence à reparaître qu’auprès de Lycoa dans l’Arcadie. Il est cependant certain que ce fleuve, qui se cache sous terre près de sa source, reparaît au bout de dix stades, et traverse toute la campagne de Mégalopolis ; que petit d’abord, mais prenant en chemin de nouvelles forces, il arrose majestueusement deux cents stades de cette campagne, et qu’ensuite, augmenté du Lysius, il est à Lycoa très-profond et très-rapide.....

Cependant ces fautes paraissent en quelque sorte excusables, et je les pardonne volontiers à ces historiens. Les unes, ils ne les ont faites que pour ne point avoir assez connu les pays dont ils avaient à parler, et ils n’ont déguisé la défaite de Ladé que par amour pour la gloire de leur patrie. Mais il reste un reproche à faire à Zénon dont il aurait peine à se laver, c’est de s’être beaucoup moins étudié à la recherche et à l’arrangement des faits, qu’à l’élégance et à la beauté du style. Il se vante même souvent de s’être distingué en ce genre, et plusieurs autres historiens célèbres se font valoir comme lui de ce côté-là. Pour moi, je crois que l’on doit s’appliquer à donner à l’histoire tous les ornemens qui lui conviennent ; elle devient par là beaucoup plus utile et plus intéressante ; mais jamais homme sensé ne fera de cela son principal, et ne se le proposera pour premier objet. Il est en effet d’autres parties de l’histoire qui méritent beaucoup plus nos soins et où il est beaucoup plus glorieux d’exceller. Au moins un écrivain éclairé dans les affaires en pensera ainsi. J’explique ma pensée par un exemple.

Zénon, décrivant le siége de Gaza et la bataille donnée par Antiochus à Scopas, dans la Célé-Syrie, près de Pavion, a pris tant de soins pour orner sa narration, qu’un rhéteur travaillant sur la même matière afin d’étaler toute son éloquence demeurerait au-dessous de l’historien. En récompense, il s’est tellement négligé sur les faits, que sur ce point il ne se peut rien voir de plus superficiel et de plus ignorant que Zénon. Voici la manière dont il décrit l’ordre de bataille de Scopas, en commençant par la première ligne. La phalange, dit-il, était, avec quelque peu de cavalerie, sur l’aile droite au pied de la montagne, et l’aile gauche, avec toute la cavalerie qui la soutenait, était dans la plaine. Antiochus, au point du jour, continue-t-il, fit partir son fils aîné avec un détachement pour occuper le premier les hauteurs qui commandaient les ennemis ; et avec le reste de l’armée,