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POLYBE, LIV. XVI.

dès que le jour eut paru, il traversa le fleuve, rangea ses troupes dans la plaine, mit sa phalange sur une seule ligne et l’opposa au corps de bataille des ennemis. Il distribua sa cavalerie partie sur l’aile gauche, partie sur la droite de la phalange. Ici étaient postés les cavaliers cuirassés, qui étaient conduits par le plus jeune des enfans d’Antiochus. Les éléphans, placés devant la phalange à certaine distance, avaient à leur tête Antipates de Tarente. On avait jeté dans les intervalles laissés entre les éléphans, quantité d’archers et de frondeurs. Le roi, entouré de sa cavalerie favorite et de ses gardes, prit son poste derrière les éléphans.

L’armée ainsi rangée, c’est toujours d’après Zénon que je parle, Antiochus le jeune, que nous venons de voir dans la plaine opposé à l’aile gauche des ennemis avec les cavaliers cuirassés, fondit du haut de la montagne sur la cavalerie que commandait Ptolémée, fils d’Ærope, et que les Étoliens avaient mise dans la plaine sur l’aile gauche ; il la culbuta et poursuivit les fuyards. Zénon met ensuite les deux phalanges aux mains, et dit que le combat fut opiniâtre. Mais comment ne voit-il pas que ces deux phalanges ne peuvent se joindre avant que les éléphans, les archers, les frondeurs, les chevaux qui sont entre elles, aient vidé le terrain ?

Il ajoute que, quand la phalange macédonienne, ouverte par les Étoliens, eut été mise hors de combat, les éléphans, recevant les fuyards et tombant sur les ennemis, y causèrent un grand désordre. Mais les phalanges une fois mêlées, les éléphans pouvaient-ils distinguer, entre ceux qui pliaient, qui était de l’armée d’Antiochus, quels étaient ceux qui appartenaient à celle de Scopas ?

Il dit encore que la cavalerie étolienne, peu accoutumée à voir des éléphans, en avait été épouvantée pendant le combat. Cela ne se peut pas ; car Zénon nous dit lui-même que la cavalerie de l’aile droite n’eut rien à souffrir, et que celle de l’aile gauche avait été mise en fuite par le plus jeune fils d’Antiochus. Quelle est donc cette cavalerie qui vis-à-vis de la phalange aurait été effrayée par les éléphans ?

Mais le roi lui-même qu’est-il devenu ? Je ne le vois nulle part. De quel usage a-t-il été dans l’action ? Quel service a rendu ce beau corps de cavalerie et d’infanterie qu’il avait assemblé autour de sa personne ? Et l’aîné des Antiochus, qui avec un détachement était allé s’emparer des hauteurs, qu’a-t-il fait ? Il ne retourne pas même au camp après le combat. Il n’avait garde d’y retourner. Zénon fait marcher à la suite du roi deux de ses fils, et il n’y en a qu’un qui l’ait accompagné.

Comment se peut-il encore faire que Scopas soit sorti le premier et le dernier du combat ? Si nous en croyons notre historien, ce général n’eut pas plutôt vu la cavalerie conduite par le jeune Antiochus fondre, au retour de la poursuite des fuyards, sur les derrières de la phalange, que, désespérant de vaincre, il fit retraite. Cependant il nous dit, dans un autre endroit, que Scopas, voyant la phalange enveloppée par les éléphans et par la cavalerie, crut la bataille perdue et se retira. Quel tort ne doivent pas faire à des historiens des fautes si palpables, des contradictions si manifestes !

Concluons donc qu’il faut faire tous ses efforts pour exceller dans toutes les parties de l’histoire ; cette ambition est digne d’un honnête homme ; mais que si cela ne se peut pas, l’on doit s’appliquer principalement aux parties les plus importantes et les plus nécessaires.

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