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POLYBE, LIV. XVI.

retentissaient de chansons où l’on élevait son mérite jusqu’au ciel. Ce débordement de louanges lui enfla le cœur, et ne fit qu’irriter en lui la passion d’être loué, et, pour la satisfaire, il devint encore plus libéral à l’égard des étrangers et des soldats. À la cour, ces prodigalités lui firent des ennemis ; on l’y blâmait hautement ; sa vanité y devint insupportable, et Sosibe y était infiniment plus estimé. En effet, ce Sosibe se conduisait auprès du prince avec une sagesse qui paraissait au-dessus de son âge, et avec les étrangers, c’étaient toujours des manières dignes des deux emplois qui lui avaient été confiés, ceux de garde de l’anneau royal et de premier officier des gardes du corps.

Vers ce temps-là, Ptolémée, fils de Sosibe, revint de Macédoine à Alexandrie. Avant qu’il partît de cette ville, déjà vain par lui-même et par les richesses que son père lui avait acquises, il le devint encore plus à la cour de Philippe ; il affecta les airs et prit la façon de s’habiller de la jeunesse qu’il y fréquenta. Il eut la simplicité de s’imaginer que la vertu des Macédoniens consistait à se vêtir et à se chausser d’une certaine manière, et se crut véritablement homme pour avoir fait ce voyage et avoir vécu avec les Macédoniens. À son retour, il regarda les Alexandrins avec le dernier mépris ; ce n’était, selon lui, que de vils esclaves et des hommes stupides. Il n’eut pas plus d’estime pour Tlépolème ; il le décria partout. Les courtisans, indignés de voir les affaires si mal gouvernées, se joignirent à lui. Ils ne purent souffrir plus long-temps que Tlépolème disposât des finances, non en ministre, mais en héritier. Le nombre de ses amis diminuait de jour en jour. On observait toutes ses démarches, on prenait en mauvaise part toutes ses actions, et on répandait contre lui des discours pleins de fiel et d’aigreur. Il fut averti de tout ce qui se passait contre lui, et d’abord il prit le parti de n’y pas faire attention. Mais quand il sut qu’en son absence, dans un conseil public, on avait osé se plaindre de son gouvernement, irrité alors, il convoqua une assemblée à son tour, où il dit qu’on l’avait calomnié en secret, et qu’il voulait, lui, former contre ses calomniateurs, une accusation en présence de tout le monde.

Quand Tlépolème eut fini sa harangue, il voulut que Sosibe lui remît l’anneau royal, et depuis ce moment il disposa de toutes les affaires de l’état comme il lui plut. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


IV.


Retour de Scipion à Rome et son triomphe. — Mort de Syphax.


Ce fut environ vers ce temps-là que Scipion quitta l’Afrique pour revenir à Rome. Un consul, qui s’était illustré par tant de grands exploits, ne pouvait manquer d’y être attendu avec une extrême impatience. Son entrée fut pompeuse, et il reçut du peuple toutes les marques d’estime et d’affection imaginables. Il les méritait, et on ne faisait en cela que lui rendre justice. La joie fut extrême lorsqu’on revit un homme qui non-seulement avait chassé Annibal d’Italie et détourné de dessus la patrie la tempête qui la menaçait, deux avantages qu’on n’avait pas jusqu’alors osé même espérer, mais qui avait encore rétabli la tranquillité publique et dompté les ennemis qui l’avaient troublée. Quand il entra triomphant dans la ville, ce fut alors surtout que l’appareil et les ornemens du triomphe rappelant à la mémoire des citoyens les dangers dont ils avaient été délivrés, ils éclatèrent en actions de grâces, et ils firent