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POLYBE, LIV. XVIII.

poste, et, parcourant les lignes, fit une harangue à ses soldats, courte à la vérité, mais persuasive et à la portée de ses auditeurs. « Compagnons, ne sont-ce pas là ces Macédoniens, leur dit-il en les leur montrant, qui s’étaient emparés des hautes montagnes d’Éordée où vous avez monté en gravissant, Sulpicius à votre tête, que vous avez chassés de ce poste, et dont vous avez taillé en pièces un très-grand nombre ? Ne sont-ce pas là ces Macédoniens qui s’étaient postés dans ces détroits de l’Épire où l’on désespérait de pouvoir vous conduire, que votre valeur a mis en fuite, et qui, jetant honteusement leurs armes, ne cessèrent de fuir devant vous que lorsqu’ils se virent dans la Macédoine ? Craindrez-vous maintenant ces mêmes Macédoniens, lorsque vous avez à les combattre à forces égales ? Le souvenir du passé vous ferait-il peur ? Ne doit-il pas, au contraire, vous inspirer plus de confiance ? Romains, animez-vous les uns les autres, et marchez à l’ennemi avec votre valeur ordinaire. Je compte, avec l’aide des dieux, que cette bataille vous sera aussi glorieuse que vous l’ont été les précédentes. » Cela dit, il commande à l’aile droite de ne pas sortir de son poste, place les éléphans devant cette aile, et, marchant d’un pas fier et assuré, mène lui-même l’aile gauche aux ennemis. Les escarmoucheurs, se voyant appuyés des légions, retournent à la charge et en viennent aux mains.

Quand Philippe eut, devant son camp, rangé en bataille la plus grande partie de son armée, il se fit suivre des rondachers et de l’aile droite de sa phalange, se hâta d’arriver sur les montagnes, et donna ordre à Nicanor, surnommé l’Éléphant, de marcher incessamment après lui avec le reste de l’armée. Les premières troupes arrivées au sommet, il tourne à gauche, fait son ordonnance de bataille et s’empare des hauteurs, qui de ce côté-là étaient abandonnées, parce que, dans le premier combat, les Macédoniens avaient repoussé les Romains jusque sur l’autre côté des montagnes. Le roi était encore occupé à l’ordonnance de sa droite, lorsque arrivèrent à lui en désordre ses soldats soudoyés, à qui les Romains avaient fait tourner le dos. Car, comme je le disais tout à l’heure, quand les soldats armés à la légère se virent soutenus des légionnaires qui combattaient avec eux, reprenant alors de nouvelles forces, ils retournèrent à l’ennemi avec fureur et firent un très-grand carnage. Philippe, qui d’abord, en arrivant assez près du camp des Romains, voyait aux mains ses soldats armés à la légère, prenait beaucoup de plaisir à ce spectacle ; mais quand il les vit plier et dans un besoin extrême d’être secourus, il fallut les soutenir et entrer dans une action générale, quoique la plus grande partie de sa phalange fût encore en marche pour venir sur les hauteurs où il était. Il reçoit cependant les combattans repoussés, il les rassemble tous, tant infanterie que cavalerie, à son aile droite, et donne ordre aux rondachers et à la phalange de doubler leurs files et de serrer leurs rangs sur la droite. Cela fait, comme les Romains étaient proche, il commande à la phalange de marcher à eux piques baissées, et aux soldats armés à la légère de les déborder. Flaminius avait aussi, en même temps reçu dans cet intervalle ceux qui avaient commencé le combat, et il chargeait les Macédoniens.

Pendant le choc, qui fut des plus violens, on jeta de part et d’autre des cris épouvantables ; ceux qui étaient hors du combat joignaient les leurs à