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POLYBE, LIV. XVIII.

ceux des combattans ; jamais spectacle ne fut plus affreux et plus effrayant. L’aile droite de Philippe avait visiblement tout l’avantage. Le poste élevé d’où elle combattait, le poids de son ordonnance, l’excellence de ses armes, tout cela lui donnait une grande supériorité. À l’égard du reste de l’armée macédonienne, une partie à la suite des combattans se tenait à quelque distance de l’ennemi et l’aile gauche, qui ne faisait que d’arriver, se montrait sur les hauteurs. Déjà les Romains avaient peine à soutenir le choc de la phalange, déjà une partie de l’aile gauche avait été taillée en pièces et l’autre prenait la fuite. Flaminius, pour remédier à ce désordre, courut au plus vite à l’aile droite, qui seule pouvait être de quelque ressource. Là il voit qu’entre les ennemis, les uns se joignaient aux combattans, les autres descendaient des montagnes, et quelques autres se tenaient sur le sommet ; sur-le-champ il place les éléphans à la tête de sa ligne et marche à l’ennemi. Les Macédoniens alors, sans chef qui leur donnât le signal, et ne pouvant se ranger en phalange, tant à cause de la disposition du terrain qui ne leur était pas propre, que parce que, suivant ceux qui combattaient, ils étaient plutôt en ordre de marche qu’en ordre de bataille, lâchèrent le pied ; rompus d’ailleurs par les éléphans, et prirent la fuite à l’approche des Romains, dont la plupart se mirent à leur poursuite et ne firent quartier à aucun.

En cette occasion, un tribun, qui n’avait pas avec lui plus de vingt compagnies, fit un mouvement qui contribua beaucoup à la victoire. Voyant que Philippe, fort éloigné du reste de l’armée, pressait vivement l’aile gauche des Romains, il quitte la droite où il était, et qui certainement victorieuse n’avait nul besoin de son secours, marche vers les combattans, arrive sur leur derrière et les charge de toutes ses forces. Or tel est l’ordre en phalange, qu’on ne peut ni se tourner en arrière, ni combattre d’homme à homme. Le tribun enfonce donc, toujours en tuant à mesure qu’il avançait, et les Macédoniens, ne pouvant eux-mêmes se défendre, jettent leurs armes et prennent la fuite. Le désordre fut d’autant plus grand, que ceux des Romains qui avaient plié, s’étant ralliés, étaient venus en même temps attaquer en front la phalange.

Philippe, qui d’abord, jugeant du reste de la bataille par l’avantage qu’il remportait de son côté, comptait sur une pleine victoire, lorsqu’il vit ses soldats jeter leurs armes et les Romains fondre sur eux sur les derrières, s’éloigna un peu du champ de bataille avec quelques maîtres et quelques fantassins, et de là il considéra en quel état se trouvaient toutes choses. Et quand il s’aperçut que les Romains, qui poursuivaient son aile gauche, touchaient presque au sommet des montagnes, il rassembla ce qu’il put de Thraces et de Macédoniens et chercha son salut dans la fuite. Flaminius se met à la queue des fuyards. Il rencontre sur les hauteurs et sur l’aile gauche des Macédoniens quelques troupes qui y étaient tout récemment arrivées ; il s’avance pour les combattre ; mais il s’arrêta quand il vit qu’elles tenaient la pique levée : c’est l’usage parmi les Macédoniens, quand ils se rendent ou qu’ils passent du côté des ennemis. S’étant informé de la vérité du fait, il retint les siens et se fit un devoir d’épargner des gens que la peur lui livrait. Malgré cela, quelques-uns des premiers rangs, tombant d’en haut sur eux, en tuèrent une grande partie, et