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POLYBE, LIV. XVIII.

sans laquelle ces peuples, comme ils l’ont déjà fait souvent, ne manqueraient pas de fondre sur la Grèce. » Flaminius conclut en disant que son avis et celui du conseil étaient, si Philippe promettait d’observer fidèlement tout ce qui lui avait été auparavant ordonné par les alliés, de lui accorder la paix, après qu’on aurait sur cela consulté le sénat, et que les Étoliens pouvaient là-dessus prendre telle résolution qu’ils jugeraient à propos.

Phénéas, Étolien, s’étant ensuite avisé de dire que l’on s’était en vain donné jusqu’à présent tant de mouvement contre le roi de Macédoine, et que délivré du péril présent, il ne tarderait pas à former d’autres projets et à donner occasion à une nouvelle guerre ; Flaminius, du haut de son siége et d’un ton de colère : « Cessez, lui dit-il, Phénéas, de nous fatiguer les oreilles de vos impertinences. Je cimenterai la paix de telle sorte que, quand Philippe le voudrait, il ne pourra rien entreprendre contre les Grecs. » Ici le conseil se sépara. Le lendemain Philippe arriva au lieu de la conférence, et trois jours après le conseil s’étant rassemblé, il y entra et parla avec tant de sagesse et de prudence qu’il adoucit tous les esprits. Il dit qu’il acceptait et exécuterait tout ce que les Romains et les alliés lui ordonnaient, et que pour le reste il s’en remettait entièrement à la discrétion du sénat. À ces mots il se fit un grand silence dans le conseil. Il n’y eut que l’Étolien Phénéas qui demanda au roi pourquoi donc il ne leur rendait pas Larisse, Pharsale, Thèbes et Échine ? « Prenez-les, répondit Philippe, j’y consens ; — Non pas toutes, reprit le consul, Thèbes seulement ; car étant allé à Thèbes à la tête de mes troupes, j’en ai exhorté les habitans à se rendre aux Romains, et comme ils ont refusé de le faire, le droit de la guerre m’en rend le maître, et c’est à moi d’en disposer à mon gré. » Phénéas, indigné de cette réponse, dit que les villes qui, avant la guerre, étaient de leur dépendance et vivaient sous leurs lois, devaient leur revenir par deux raisons : la première, parce qu’ils avaient pris les armes avec les Romains ; et la seconde, parce que tel était le traité d’alliance fait d’abord entre les Romains et les Étoliens, que dans le partage des choses prises pendant la guerre, les meubles seraient pour les premiers et les villes pour les derniers. Le consul lui répondit qu’il était dans l’erreur sur l’un et sur l’autre point ; que le traité d’alliance n’avait plus lieu depuis que les Étoliens, abandonnant les Romains, avaient fait leur paix avec Philippe ; que si cependant, il voulait que le traité subsistât, il n’y était pas marqué que les Étoliens auraient les villes qui, d’elles-mêmes et de plein gré, se seraient mises sous la protection des Romains, comme avaient fait toutes celles de la Thessalie ; mais celles-là seulement dont on aurait fait le siége. Cette réplique du consul plut à toute l’assemblée ; les seuls Étoliens n’en furent pas contens, et de là vinrent dans la suite de très-grands maux. C’est cette dispute, cette étincelle qui alluma peu de temps après la guerre que les Romains firent aux Étoliens et à Antiochus.

Au reste, ce qui engageait Flaminius à presser la conclusion de la paix, c’est que la nouvelle lui était venue qu’Antiochus, avec une armée, partait de Syrie pour faire une irruption dans l’Europe. Il craignait que Philippe ne saisît cette occasion pour défendre les villes qu’il avait envahies, et ne traînât la guerre en longueur. Un autre motif encore, c’est que si un autre con-