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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/924

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POLYBE, LIV. XXV.

en reçût ordre de leur part. Il tâchait cependant de couvrir son attachement pour eux de quelque apparence de zèle pour les lois, et quand il arrivait qu’on lui demandât quelque chose qui leur était ouvertement contraire, il se défendait de l’accorder. Philopœmen agissait d’une autre façon. Si ce que les Romains exigeaient de l’Achaïe était conforme aux lois et aux traités d’alliance faits avec eux, sur-le-champ et sans chicane il exécutait leurs ordres ; mais quand leurs prétentions passaient au-delà de ces bornes, il ne pouvait se résoudre à s’y soumettre de lui-même. Il voulait que d’abord on leur fit connaître les raisons qu’on avait de ne pas s’y rendre ; ensuite qu’on en vînt aux prières, et qu’on les suppliât de se renfermer dans les traités : s’ils demeuraient inflexibles, qu’on prît alors les dieux à témoin de l’infraction, et que l’on obéît. (Ambassades.) Dom Thuillier.


VI.


Qu’on a tort de détruire les récoltes de l’ennemi.


Jamais je ne serai de l’avis de ceux qui se laissent aller à la colère, au point de détruire non-seulement les récoltes, mais les arbres et les maisons, portant la désolation dans tous les lieux. Je pense d’ailleurs que ceux qui agissent ainsi commettent une grande faute ; car, tandis qu’ils croient épouvanter l’ennemi en ravageant son territoire, et en le privant actuellement et pour l’avenir des choses nécessaires à son existence, ils ne font que l’exaspérer et rendre sa haine implacable.

Ce fut en Crète l’origine de grands événemens, si toutefois on peut dire qu’il y ait eu une origine aux événemens de Crète ; car, grâce à la perpétuité des discordes civiles, et à l’excès des cruautés qu’elles engendrèrent, l’origine des événemens, dans ce pays, en est aussi la fin ; et, ce qui paraîtrait ailleurs extraordinaire et incroyable, n’est là que naturel et conséquent.


Politique d’Aristène différente de celle de Philopœmen.


Aristène raisonnait de cette manière devant les Achéens au sujet de leur différend. Il disait qu’on ne peut prétendre à garder l’amitié des Romains en se servant du caducée et de la lance..... Mais si nous sommes assez forts pour marcher contre eux..... Philopœmen a osé dire..... Pourquoi donc, désirant l’impossible, laisserions-nous échapper ce que nous pouvons avoir ? Il y a deux buts à toute politique, le beau et l’utile ; et si cette possession du beau se peut réaliser, ceux qui sont habiles doivent y tendre, sinon il faut s’en tenir à la part de l’utile ; mais abandonner l’un et l’autre est le comble de l’impéritie. C’est pourtant ce que font les Achéens quand ils reconnaissent les ordres qu’on leur donne, et qu’ils les exécutent mollement et avec tiédeur. C’est pourquoi il faut, ou montrer que nous pouvons ne pas obéir, ou ne pas tenir un pareil langage, et obéir en effet de bonne grâce.


Philopœmen demandait à l’assemblée si on le croyait assez ignorant pour ne pas savoir discerner en quoi diffère le gouvernement de Rome de celui des Achéens, et combien ce premier gouvernement est supérieur à l’autre. « Mais, dit-il, toute puissance supérieure étant lourde aux plus faibles, que faut-il faire ? Nous unir de toutes nos forces à des maîtres, et ne pas manifester d’opposition pour subir aussitôt les ordres les plus durs, ou bien nous