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POLYBE, LIV. XXX.

courut se réfugier dans le temple de la ville. Si on lui eût demandé alors quel était son dessein, je suis bien sûr qu’il ne l’aurait pas pu dire ; car, s’il voulait retourner dans sa patrie, à quoi bon se cacher ? sa garde n’était-elle pas chargée de l’y conduire ? Et si elle avait eu ordre de le mener à Rome, il aurait fallu bon gré, mal gré, qu’il y allât. Que lui restait-il de plus à chercher ? Il n’y avait plus d’autre lieu où il pût être en sûreté. De Phasélis on envoya à Rhodes pour avertir qu’on vînt prendre Polyarate, pour le transporter dans l’île. Les Rhodiens firent partir un vaisseau découvert, mais ils eurent la prudence de défendre au pilote de recevoir Polyarate sur son bord, parce que les Alexandrins avaient ordre de le rendre dans l’île. Le bâtiment rhodien arrive à Phasélis. Épicharès, le capitaine, refuse de prendre Polyarate ; Démétrius le presse de monter sur son vaisseau. Il en est encore pressé par les Phasélites, qui craignaient que son séjour ne leur attirât quelque disgrâce de la part des Romains. Dans cette extrémité, il entre effrayé dans le vaisseau de Démétrius. Mais, sur la route, il trouva moyen de se sauver, et s’enfuit à Caune, et implora le secours des habitans ; mais malheureusement ils étaient unis avec les Rhodiens, et ils les chassèrent de la ville. De là il envoya prier les Cibyrates de lui donner une retraite, et de lui faire venir quelqu’un qui le conduisît chez eux. Il espérait d’autant plus en obtenir cette grâce, que les enfans de Pancrate, tyran de cette ville, avaient été nourris chez lui. Il l’obtint en effet, mais arrivé dans cette ville, il la jeta dans un grand embarras, et tomba lui-même dans un plus grand que celui où il s’était trouvé à Phasélis ; car les Cibyrates n’osèrent le loger, de peur que les Romains ne leur en fissent un crime, et ils ne purent le conduire à Rome, parce qu’étant tout-à-fait au milieu des terres, ils n’avaient nul usage de la navigation. Ils furent donc obligés de députer à Rhodes et au consul dans la Macédoine, pour les prier de les défaire de ce malheureux fugitif. Paul-Émile écrivit aux Cibyrates de garder à vue Polyarate, et de le mener à Rhodes, et aux Rhodiens de le conduire vif à Rome par mer. Les uns et les autres exécutèrent l’ordre qu’ils avaient reçu, et Polyarate fut transporté à Rome, théâtre où parut dans tout son jour son imprudence et sa lâcheté, et sur lequel il fut exposé par Ptolémée, les Phasélites, les Cibyrates et les Rhodiens. Son peu de force d’esprit méritait bien cette punition.

Je me suis un peu étendu sur Dinon et sur Polyarate, non pour insulter à leur malheur, cela serait déraisonnable, mais pour porter ceux qui, dans la suite, se trouveront dans des conjonctures semblables à prendre de plus sages mesures. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.



Députations de la Grèce aux dix commissaires envoyés en Macédoine après la défaite de Persée. — Conduite de ces commissaires chez les Grecs.


Persée vaincu, et cette grande affaire heureusement terminée, il vint en Macédoine des ambassadeurs de toutes parts pour féliciter les généraux romains sur l’heureux succès de leur expédition, et l’on juge bien que ceux qui dans chaque état furent choisis pour cette fonction et pour d’autres affaires, furent ceux qui, dans le temps de la guerre, avaient paru servir les Romains avec plus de chaleur, et être plus de leur goût. Ce fut donc, dans l’Achaïe, Callicrate, Aristodame, Agé-