Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
César.

Suisses. Ils s’engagent par leurs otages mutuels, les Francs-Comtois à ne pas troubler le passage, les Suisses à passer sans faire aucun dégât, aucun dommage.

10. César, informé que leur dessein était de passer par la Franche-Comté, et sur la frontière du pays d’Autun, pour aller s’établir dans la Saintonge, pays voisin des Toulousains qui sont de la province romaine, sentit d’abord le risque que courait cette province d’avoir à sa porte, dans un pays fertile et découvert, un peuple belliqueux ennemi des Romains. Il laisse donc T. Labiénus, l’un de ses lieutenans, pour garder le nouveau retranchement qu’il avait fait, et s’en va à grandes journées en Lombardie, où il lève à la hâte deux légions, et en tire trois autres des quartiers d’hiver où elles étaient proche d’Aquilée ; et avec ces cinq légions il repasse au plus vite les Alpes par le plus court chemin. Les peuples de la Tarantaise, de Briançon, d’Embrun et de Gap, avertis de sa marche, se saisissent des passages ; mais il les force, et, après plusieurs combats, il se rend en sept jours, d’Exiles, dernière place de la province citérieure, dans le diocèse de Vaison, qui est de celle d’au-delà, d’où il arrive avec son armée sur les frontières de la Savoie, et de là dans le Lyonnais, qui est le premier pays qu’on rencontre au-delà du Rhône au sortir de notre province.

11. Cependant les Suisses étaient déjà passés en Franche-Comté, et de là sur les terres d’Autun qu’ils ravageaient. Les Autunois, trop faibles pour leur résister, députent vers César et lui représentent qu’ayant toujours été affectionnés au service du peuple romain, il était honteux de souffrir qu’on saccageât leurs terres, qu’on emmenât leurs enfans en esclavage, et qu’on se rendît maître de leurs villes presqu’à la vue d’une armée romaine. Ceux de Châlons-sur-Saône, leurs amis et leurs alliés, font la même plainte et disent que dans le triste état où ils sont réduits ils peuvent à peine défendre leurs villes de la violence des ennemis. Enfin ceux du Dauphiné, qui demeuraient au-delà du Rhône, s’enfuient vers lui et lui remontrent qu’il ne leur est resté que la campagne toute nue. César, touché de ces malheurs, ne crut pas devoir attendre que tous les pays des alliés fussent désolés, et que l’ennemi fût arrivé dans la Saintonge.

12. La Saône est une rivière qui a son cours entre le pays d’Autun et la Franche-Comté : elle se décharge dans le Rhône. Son cours est si paisible qu’à peine peut-on voir de quel côté elle coule. César, averti par ses coureurs que les trois quarts des troupes suisses avaient déjà traversé cette rivière sur des radeaux, ou sur un pont de bateaux, et que l’autre quart était encore de l’autre côté, part à trois heures après midi avec trois légions, et vient charger en queue ce qui restait à passer. Ils étaient embarrassés de bagages, et ne s’y attendaient pas : il en tua une grande partie, et le reste se sauva dans les bois voisins. C’était le canton de Zurich : car la Suisse est partagée en quatre cantons. Et ce qu’il y a de remarquable, c’est que ce fut ce même canton qui, du temps de nos pères, étant sorti seul de son pays, défit Cassius, et fit passer ses soldats sous le joug : ainsi, par la providence des dieux ou par hasard, la partie des Suisses, qui avait causé une grande perte aux Romains, fut aussi la première à en porter la peine. César trouva même sa satisfaction particulière dans la vengeance publique : car L. Pison, aïeul de son beau-père, qui dans cette occa-