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guerre des Gaules. — liv. i.

pouvait arrêter une armée dans ces défilés ; l’autre chemin, par notre province, était beaucoup plus aisé et plus court, parce que le Rhône, qui passe entre les Suisses et la Savoie nouvellement soumise, est guéable en quelques endroits, et que Genève, dernière ville de la Savoie, a un pont situé du côté de la Suisse. Comme les Savoyards n’étaient pas encore trop bien soumis aux Romains, les Suisses se flattaient de les engager à leur livrer passage, ou de les y contraindre. Tout étant prêt, ils marquèrent leur rendez-vous général sur le bord du Rhône pour le 28 mars, sous le consulat de L. Pison et d’Aulus Gabinius.

7. Ceci ayant été rapporté à César, et qu’ils comptaient passer par son gouvernement, il part de Rome en toute diligence, se rend le plus vite qu’il peut dans la Gaule ultérieure, et arrive à Genève. Il en fait rompre le pont, et ordonne de très-grandes levées par toute la province, où il n’y avait alors qu’une légion. Les Suisses, avertis de son arrivée, lui envoient en ambassade ce qu’il y avait de plus distingué parmi eux, entre autres Numeius et Veroductius, pour le prier de leur accorder le passage par notre province, parce qu’ils n’en avaient point d’autre, promettant de ne faire aucun dégât. César, qui se souvenait que du temps de nos pères ils avaient défait l’armée romaine commandée par le consul L. Cassius, qui fut tué en cette occasion, et qu’ils avaient fait passer les soldats sous le joug, ne crut pas devoir leur accorder leur demande ; et il ne pensait pas qu’une armée ennemie, si on lui accordait le passage par la province, pût s’abstenir d’y commettre du désordre et du dégât. Cependant, pour donner aux levées qu’il avait commandées le temps de le venir joindre, il répondit aux députés qu’il prendrait quelques jours pour délibérer, et leur dit de revenir le 13 avril.

8. En même temps, avec la légion qu’il avait et les troupes de la province, il fit tirer depuis le lac de Genève, au travers duquel passe le Rhône, jusqu’au mont Jura, qui sépare la Franche-Comté de la Suisse, un retranchement de dix-neuf mille pas, avec un mur de seize pieds de haut. Ensuite il établit des corps de garde, garnit les forts, afin que, si les Suisses voulaient passer malgré lui, il pût plus aisément les en empêcher. Les députés s’étant présentés au jour marqué, il leur répondit que les Romains n’étaient pas accoutumés de donner aucun passage sur leurs terres, et que, s’ils voulaient l’emporter de force, il était résolu de s’y opposer. Les Suisses, déchus de cette espérance, essayèrent de passer le Rhône, les uns sur des radeaux ou sur des bateaux attachés ensemble, d’autres à gué, tantôt de jour, plus souvent de nuit ; mais, repoussés partout, tant par les troupes que par les forts, ils abandonnèrent ce dessein.

9. Il ne leur restait que le passage par la Franche-Comté ; mais il était si étroit, qu’il devenait impraticable sans le consentement de cette nation. Ne pouvant persuader aux Francs-Comtois de le leur accorder, ils députent vers Dumnorix d’Autun, afin de l’obtenir par son moyen. Dumnorix, par son caractère obligeant et ses libéralités, s’était acquis un grand crédit en ce pays-là : d’ailleurs il était ami des Suisses depuis qu’il avait épousé la fille d’Orgétorix, seigneur de cette nation. Voulant se faire roi, il courait après les nouveautés, et cherchait à s’attacher différens peuples par ses bienfaits. Il appuie donc l’affaire, obtient des Francs-Comtois qu’ils laisseront passer les