Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
César.

et que ces mêmes Autunois n’avaient point eu recours aux Romains dans les démêlés qu’ils avaient eus avec lui et avec les Francs-Comtois ; qu’il soupçonnait fort César de n’avoir amené une armée dans la Gaule sous prétexte d’amitié, qu’à dessein de l’opprimer ; que s’il ne se retirait, il le traiterait en ennemi, que s’il était assez heureux pour le faire périr, il savait qu’il ferait plaisir aux plus grands de Rome, qui lui avaient découvert leurs sentimens par des courriers exprès, et que par-là il pourrait regagner leurs bonnes grâces ; qu’au contraire s’il se retirait, et le laissait tranquille possesseur des Gaules, en récompense il le servirait, et porterait ses armes victorieuses partout où il voudrait, sans que César courût aucun risque.

45. À ces paroles César répondit plusieurs choses, pour prouver qu’il n’était pas en son pouvoir de se désister de son entreprise, et qu’il n’était ni de son honneur, ni de celui de la république, d’abandonner des peuples alliés qui l’avaient bien servie. Il ajouta qu’il ne voyait pas de quel droit les Gaules appartenaient plutôt à Arioviste qu’au peuple romain ; que Fabius avait défait les peuples de l’Auvergne et du Rouergue ; et que pouvant les réduire en province, et leur imposer tribut, il leur avait fait grâce ; qu’à remonter plus haut, on trouverait que les Romains avaient sur les Gaules de plus justes prétentions que lui ; mais que pour s’en tenir à la délibération du sénat, il fallait leur laisser la liberté qu’il leur avait conservée après sa victoire.

46. Pendant ces débats, on vint dire à César que la cavalerie s’avançait peu à peu vers la hauteur, et commençait déjà à lancer sur nos troupes des pierres et des traits. Sur cet avis, César rompt l’entretien et se retire vers les siens, auxquels il défend de lancer un seul javelot : car, quoiqu’il pût sans danger combattre la cavalerie avec sa légion d’élite, il ne voulait pas qu’on eût à lui reprocher d’avoir usé de supercherie dans une entrevue. L’armée ayant appris avec quelle hauteur Arioviste avait parlé dans cette conférence, qu’il prétendait chasser les Romains de toutes les Gaules, et que sa cavalerie avait, contre la foi donnée, insulté la nôtre, ce qui avait rompu l’entretien, tout le camp montra plus d’ardeur et plus d’envie de combattre.

47. Deux jours après, Arioviste députe vers César pour lui dire qu’il veut terminer les choses dont il avait été question entre eux ; qu’il lui donne jour pour une autre entrevue, ou du moins qu’il lui envoie un de ses officiers. César ne crut pas devoir s’y trouver, parce que, deux jours auparavant, les ennemis n’avaient pu s’empêcher de lancer des traits contre nos gens ; et il jugea qu’il ne pouvait lui envoyer un de ses lieutenans, sans l’exposer à la perfidie des Barbares. Il se contenta de lui envoyer C. Valérius Procillus, fils de C. Valérius Caburus, fait citoyen romain par Valérius Flaccus, jeune homme plein d’honneur et de vertu, dans lequel il avait confiance ; qui, de plus, savait la langue gauloise, qu’Arioviste avait apprise depuis qu’il était dans les Gaules, et contre lequel les Germains n’avaient aucun sujet de mécontentement : il lui donna pour compagnon M. Mettius, qui avait droit d’hospitalité avec Arioviste. Il les chargea de lui rapporter exactement tout ce qu’Arioviste leur avait dit. Arioviste, quand ils furent en sa présence, leur demanda à haute voix, devant toute son armée, ce qu’ils étaient venus faire dans son camp ; s’ils n’étaient