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guerre des Gaules. — liv. i.

que la conférence se tînt à cheval et qu’ils ne fussent accompagnés que de dix cavaliers chacun. Étant tous deux au rendez-vous, César commença par lui rappeler ses bienfaits et ceux du sénat qui l’avait déclaré roi et ami du peuple romain, et qui lui avait envoyé de très-grands présens, honneur qu’il faisait à peu de personnes, et qu’il n’accordait qu’après de grands services ; qu’il n’en avait pourtant rendu aucun, et qu’il n’avait rien fait qui pût le mettre en droit d’y prétendre ; qu’il n’en avait été redevable qu’à la générosité du sénat, et sa propre sollicitation. Ensuite il lui représenta la juste et ancienne alliance qui était entre les Romains et les Autunois, les fréquens et honorables décrets du sénat en leur faveur ; qu’avant même leur liaison avec le peuple romain, ils avaient toujours tenu le premier rang dans les Gaules, et que l’usage de Rome était non-seulement que ses alliés et ses amis ne perdissent rien de leur puissance, mais qu’elle souhaitait les voir augmenter en crédit, en dignités, en honneurs, et qu’elle ne pouvait en aucune manière consentir qu’on les fît déchoir de leur première grandeur. César finit par lui réitérer les mêmes propositions qu’il lui avait faites par ses députés, de laisser en paix les Autunois et leurs alliés, de leur rendre leurs otages, et s’il ne pouvait renvoyer chez eux les Allemands qui avaient passé le Rhin, au moins de n’en plus faire passer d’autres.

44. À tout ce discours, Arioviste répondit peu de choses ; mais il s’étendit beaucoup sur ses louanges. Il dit qu’il n’aurait jamais songé à passer le Rhin si les Gaulois ne l’en avaient prié, et ne l’avaient appelé à leur secours ; qu’il avait quitté son pays et ses proches sur les grandes espérances et les récompenses dont on l’avait flatté ; que les terres qu’il occupait dans la Gaule, et les otages qu’il avait entre ses mains, lui avaient été accordés volontairement, et que les impôts qu’il levait étaient le fruit de sa victoire ; que ce n’était pas lui qui avait commencé la guerre ; que tous les Gaulois réunis étaient venus fondre sur lui ; qu’il les avait tous défaits dans une seule bataille, et que s’ils avaient envie de tenter une seconde fois la fortune des armes, il était tout prêt à recommencer ; que s’ils préféraient la paix, ils ne devaient pas lui refuser le tribut qu’ils lui avaient payé jusqu’alors de leur bon gré ; que son alliance avec les Romains, bien loin de lui être désavantageuse, devait, au contraire, lui être utile et honorable ; que c’était dans cette espérance qu’il l’avait recherchée ; que si Rome lui ôtait ses tributaires, il renoncerait à son alliance d’aussi bon cœur qu’il l’avait désirée ; que s’il faisait passer tant d’Allemands dans la Gaule, ce n’était que pour sa sûreté et non pour attaquer personne ; et pour preuve de l’innocence de ses intentions, il alléguait qu’il n’était point venu de lui-même, qu’il y avait été sollicité, et qu’au lieu d’attaquer, il s’était toujours tenu sur la défensive : qu’il était dans la Gaule avant les Romains qui, avant cette époque, n’étaient point sortis de leur province. Que lui voulait César ? Pourquoi venait-il dans ses états ? cette Gaule lui appartenait, comme la nôtre était à nous ; et s’il n’était pas juste qu’il entreprit rien sur ce qui était à nous, il y avait la même injustice à nous de faire quelque entreprise que ce fût sur ce qui était à lui ; qu’à l’égard de notre alliance avec les Autunois, il n’était pas tellement ignorant des affaires du monde qu’il ne sût fort bien qu’ils ne nous avaient donné aucun secours dans notre dernière guerre contre les peuples de la Savoie et du Dauphiné ;