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guerre des Gaules. — liv. ii.

abandonné toutes leurs villes et leurs châteaux, ils se renfermèrent avec tout ce qu’ils avaient, dans une seule place, très-forte par son assiette naturelle. Tout environnée de très-hauts rochers et de précipices, elle n’avait qu’une seule avenue d’environ deux cents pieds de large, qu’ils fortifièrent d’un double mur, soutenu de gros quartiers de pierres et de poutres pointues, enfoncées dans le mur. Cette nation descendait de ces Cimbres et de ces Teutons qui, passant dans notre province et en Italie, laissèrent en-deçà du Rhin ce qui les embarrassait, et ce qu’ils ne pouvaient emporter, avec six mille des leurs pour les garder. Après leur défaite, ceux-ci furent long-temps inquiétés par leurs voisins, soit qu’ils les attaquassent, soit qu’ils se défendissent ; enfin, ayant fait la paix d’un commun accord, ils s’établirent en cet endroit.

30. À la première arrivée de nos troupes, ils firent d’abord plusieurs sorties, et livrèrent quelques petits combats ; mais à la fin ils furent arrêtés par une circonvallation de douze pieds de haut et de quinze milles de tour, soutenue de forts très-voisins les uns des autres. Quand ils virent nos approches faites à la faveur des mantelets, la terrasse élevée, et plus loin construire une tour ; du haut de leurs murailles, ils nous demandaient en raillant ce que nous voulions faire d’une si prodigieuse machine, quelles forces de petits hommes, comme nous leur paraissions, pourraient-ils trouver pour remuer une si lourde masse, et la joindre à leurs remparts ? car la plupart des Gaulois, qui sont de grande taille, nous méprisent à cause de notre petitesse.

31. Mais lorsqu’ils la virent s’ébranler et s’avancer vers leur ville, ils furent si étonnés d’une chose dont ils n’avaient pas la moindre idée, qu’ils députèrent à César pour lui demander la paix. Ils lui dirent qu’ils voyaient bien que les Romains étaient favorisés du secours des dieux dans leurs guerres, puisqu’ils remuaient une si haute el si pesante masse avec tant de facilité et de promptitude, afin de pouvoir les attaquer de près ; qu’ils se remettaient entre ses mains avec tout ce qu’ils possédaient ; qu’ils ne lui demandaient qu’une seule grâce, en cas que sa clémence, qu’ils avaient entendu tant vanter, l’eût déterminé à conserver ceux de Namur ; c’était de ne pas leur ôter leurs armes ; que presque tous leurs voisins, par haine ou par envie, étaient leurs ennemis, et qu’ils ne pourraient se défendre contre eux s’ils étaient forcés de livrer leurs armes ; que s’il voulait les réduire à cette triste extrémité, ils aimaient mieux périr sous les coups du peuple romain, que d’être maltraités par ceux auxquels ils avaient coutume de commander.

32. César répondit qu’il conserverait la nation, moins parce qu’ils l’avaient mérité que parce que c’était sa coutume de faire grâce, si, pour se rendre, les assiégés n’attendaient pas que le bélier eût touché leurs murailles ; mais qu’il ne pouvait se laisser fléchir qu’à condition qu’ils remettraient leurs armes ; qu’il en agirait avec eux comme il avait fait avec les peuples du Hainaut, et qu’il défendrait à leurs voisins de rien entreprendre contre ceux qui s’étaient rendus au peuple romain. Sur le rapport des intentions de César, ils se mirent en état d’obéir : du haut de leurs murailles, ils jetèrent tant armes dans le fossé, que le monceau en était presque aussi haut que le mur et que notre batterie ; cependant ils en avaient caché environ le tiers, comme il parut par la suite. Ensuite ils ouvrirent leurs