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guerre des Gaules. — liv. iii.

21. Le combat fut long et opiniâtre : car l’ennemi, fier de ses précédentes victoires, faisait dépendre de son courage le salut de toute l’Aquitaine ; et les nôtres voulaient faire voir ce dont ils étaient capables sous un jeune commandant, sans être animés par la présence de leur général, et indépendamment du reste des légions. Enfin l’ennemi, couvert de blessures, prit la fuite ; et après en avoir fait un grand Carnage, Crassus alla du même pas assiéger Lectoure, leur capitale. Mais la défense fut si vigoureuse, qu’il fut obligé d’employer des mantelets et des tours : car tantôt par des sorties, tantôt par des conduits souterrains dont ils connaissaient parfaitement la pratique, parce que leur pays est rempli de mines, les ennemis cherchaient à nous fatiguer ; mais voyant que la vigilance des nôtres rendait leurs efforts inutiles, ils députèrent vers Crassus pour se rendre. Il les reçut, à condition qu’ils lui remettaient toutes leurs armes.

22. Les Romains étaient occupés à faire exécuter cette condition, lorsque Adcantuan leur commandant, fit une sortie par une autre porte de la ville avec six cents braves. Ces braves, qu’ils nomment soldures, sont des gens qui se lient, à la vie et à la mort, à la bonne et à la mauvaise fortune d’un chef : s’il périt, ils périssent avec lui, ou se donnent la mort à-eux-mêmes ; et, de mémoire d’homme, pas un seul n’a manqué à ce serment. Adcantuan ayant donc fait une sortie avec cette escorte, il s’éleva un cri de ce côté-là de la part des Romains qui gardaient cette partie des retranchemens. Chacun courut aux armes, le combat fut rude : mais enfin Adcantuan fut repoussé dans la ville ; néanmoins il obtint de Crassus les mêmes conditions qu’auparavant.

23. Les armes et les otages livrés, Crassus marcha contre les peuples d’Aire et de Bazas, qui, surpris de ce que nous avions si vite emporté une place forte par sa situation et par l’art, députèrent de tous côtés, levèrent des troupes, se liguèrent ensemble, et se donnèrent mutuellement des otages. Ils envoyèrent même aux villes de l’Espagne citérieure, qui sont voisines de l’Aquitaine : ils en tirèrent des soldats et des officiers. Dès qu’ils furent arrivés, ils se mirent en campagne très-bien accompagnés. A leur tête étaient quelques-uns des chefs qui avaient servi sous Q. Sertorius, et qui passaient, par conséquent, pour consommés dans l’art militaire. Ceux-ci leur apprirent à camper, à se retrancher comme les Romains, et même à nous couper les vivres, Crassus s’en aperçut ; et comme il ne lui était pas aisé de faire des détachemiens à cause de la faiblesse de son armée, au lieu que les Barbares pouvaient tenir la campagne et garder les passages, sans trop dégarnir leur camp, que même leur nombre augmentait tous les jours, ce qui l’incommodait pour ses convois, et l’exposait à manquer de vivres, il crut qu’il ne devait pas différer de donner bataille. Ayant exposé son dessein au conseil de guerre, il passa tout d’une voix, et il prit jour pour le lendemain.

24, Dès l’aurore, il fit sortir toutes ses troupes, les rangea en bataille sur deux lignes, mit les alliés au milieu, et attendit que l’ennemi prit une décision. Ceux-ci, quoique persuadés que vu leur grand nombre et leur ancienne valeur, ils pouvaient combattre avec avantage contre une poignée d’hommes tels que les nôtres, crurent cependant qu’il était encore plus sûr pour eux de vaincre sans tirer l’épée ; ce qui ne manquerait pas d’arriver, puisqu’ils étaient maîtres des passages par où les vivres pouvaient