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César.

lois, comme un déserteur, leur parle de la frayeur des Romains, leur apprend la position critique où César était réduit par ceux de Vannes, ajoutant que Sabinus était sur le point de décamper secrètement la nuit suivante pour aller le secourir. À ces nouvelles, tous s’écrièrent qu’il ne fallait pas perdre l’occasion, ni tarder plus long-temps à l’aller attaquer dans son camp. Plusieurs circonstances contribuaient à leur faire prendre cette résolution ; l’incertitude où Sabinus leur avait paru être jusque-là, l’avis que leur donnait le transfuge, la disette des vivres causée par le peu de soin qu’ils avaient eu de faire des provisions, l’espérance d’un heureux succès du côté de Vannes, et enfin la facilité des hommes à croire ce qu’ils désirent. Entraînés par ces motifs, ils ne voulurent point laisser sortir du conseil Viridovix ni les autres chefs qu’ils n’en eussent obtenu la permission de combattre : aussi charmés de l’avoir obtenue que s’ils eussent déjà remporté la victoire, ils se pourvoient de fascines pour combler le fossé, et marchent aux retranchemens des Romains.

19. Sabinus et ses soldats étaient campés sur une hauteur, d’une pente douce et aisée, d’environ mille pas. Les Barbares y montent en courant de toutes leurs forces, pour ne pas leur donner le temps de s’organiser, ni de s’armer, et y arrivent hors d’haleine. Sabinus, après avoir exhorté les siens, donne le signal du combat. Tandis que les ennemis étaient embarrassé de leurs fascines, il ordonne de faire tout d’un coup une sortie par deux endroits. L’avantage du lieu, l’incapacité et la lassitude des Barbares, la bravoure et l’expérience de nos soldats, furent cause que l’ennemi ne soutint pas même notre premier choc, et qu’il prit aussitôt la fuite. Nos troupes toutes fraîches, s’étant mises à leur poursuite, en tuèrent beaucoup, et notre cavalerie, continuant de les suivre, laissa échapper peu de fuyards. Ainsi César et Sabinus furent instruits en même temps de la double victoire que l’un et l’autre avaient remportée. Après cette action, toutes les villes se rendirent à Sabinus : car si les Gaulois sont prompts à prendre les armes, aussi perdent-ils aisément courage quand ils trouvent de la résistance, et qu’il leur arrive des disgrâces.

20. Presqu’en même temps P. Crassus arriva dans l’Aquitaine, qui, comme on l’a déjà dit, peut être regardée comme la troisième partie de la Gaule, tant par son étendue que par la multitude de ses habitans. Persuadé qu’il aurait quelque guerre à soutenir dans une province, où peu d’années auparavant, le lieutenant-général L. Valérius Préconius avait été défait et tué, et d’où le proconsul L. Manilius avait été chassé, après avoir perdu ses bagages, il crut qu’il devait surtout se tenir sur ses gardes. Ainsi après avoir pourvu aux vivres, s’être fortifié de troupes auxiliaires et de cavalerie, et fait venir de Toulouse, de Carcassonne et de Narbonne, villes de la province romaine, et voisines de ces contrées, plusieurs braves volontaires, il entra sur les frontières de la Gascogne. À la nouvelle de son arrivée, les peuples de ce canton amassent de grandes troupes, surtout de cavalerie, qui était leur principale force, et attaquent notre armée dans sa marche. Leur cavalerie étant repoussée et poursuivie par la nôtre, tout d’un coup ils firent sortir leur infanterie qui était en embuscade dans un vallon, et recommencèrent le combat contre nos gens qui s’étaient dispersés dans la poursuite.