Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 4, 1846.djvu/1065

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comme je n’ai point appris les fortifications, la pratique que j’ai exercée en ce genre ne peut pas être assez parfaite pour me mettre en état de bien m’acquitter de la conduite des attaques de sorte que je serais encore aujourd’hui obligé de me laisser conduire sur bien des choses aux lumières des ingénieurs les plus expérimentés, parce que leur pratique est fondée sur des principes qui leur sont connus ; avantage que je n’ai pas dans cette partie.

Ainsi ta pratique, quand bien même elle serait plus souvent répétée, lorsqu’elle est sans théorie fondée sur des principes, n’est pas un moyen sûr pour se rendre habile dans la guerre. Sans théorie fondée sur des principes, projets, marches, sièges, camps, entreprises, batailles, tout ce que l’on fait se fait casu non arte[1], comme dit Végèce.

La guerre qui commença en 1701 et finit en 1712 et 1713, est une grande preuve de cette vérité. Il y avait à peine trois ans que nous étions sortis d’une autre grande et longue guerre ; ainsi en 1701, c’était le même gouvernement, les mêmes troupes et les mêmes généraux ; par conséquent cette guerre aurait dû être encore mieux conduite que les précédentes. Au contraire, on s’y est conduit beaucoup plus mal, tant pour les projets que pour les opérations, et les avantages que nos ennemis y ont eus sur nous sont moins prévenus de leur habileté que de nos fautes, ce qu’il est facile de prouver ; mais si nous avions fait avec art la guerre qui a précédé celle dont il s’agit, cette dernière nous aurait encore perfectionnés, de sorte que nos ennemis auraient eux-mêmes essuyé les malheurs qui nous sont arrivés.

Je le répète, que l’on fasse la guerre tant qu’on voudra, quand on n’en aura pas étudié l’art, ou que, par son génie ou par son application, on n’en aura pas trouvé les principes, comme j’ai pu faire par une pratique continuelle de toutes les parties de la guerre, telle que me l’a procurée l’emploi unique que j’exerçais dans les armées, on ne s’y rendra pas habile, on ne comprendra pas même bien des choses que l’on verra faire.

On sait bien qu’il faut une véritable guerre, et s’être trouvé dans des combats, batailles, attaques et défenses de places, pour s’établir la réputation d’un homme de guerre, et être perfectionné dans cet art ; mais si ce que l’on aura pratiqué ne l’a pas été sur des principes, et avec les connaissances dont on a parlé ci-dessus, on laisse aller bien des choses à l’aventure. Il faut bien du temps et de grandes dispositions pour acquérir la science de la guerre, laquelle, en tout ce qu’on entreprend, ne doit baisser au hasard que ce qu’une grande capacité, jointe à une sage conduite, ne peut éviter.


Comment les officiers et soldats d’un bataillon doivent être armés.

Il est reconnu que la baïonnette au bout du fusil est la meilleure arme dont on se serve aujourd’hui, parce qu’elle est en même temps arme de main, comme serait une hallebarde, et en même temps arme de jet. Ainsi l’épée et le sabre, que portent les soldats, leur deviennent inutiles et incommodes car comme on les porte en travers, dès que tes soldats touchent à

  1. Casu non arte, dit Végèce. Qui secundos optat eventus, dimicet arte non casu, qui veut combattre avec succès, combatte par principes, non au hasard.