stratégie morale. « Supposez, dit-il, qu’une colonne attaque un retranchement, et que la tête soit sur le bord du fossé ; s’il paraît à cent pas de là, hors du retranchement, une poignée de gens, il est certain, que la tête de cette colonne s’arrêtera ou ne sera pas suivie. Pourquoi ? C’est le cœur humain. » Il applique également à la défense les observations sur l’attaque d’un retranchement ; « Lorsque l’on est obligé, dit-il, de défendre des retranchemens, il faut bien se garder de mettre les bataillons tout contre le parapet, parce que si l’ennemi a une fois Le pied dessus, ce qui est derrière se sauvera. Cela vient de ce que la tête tourne toujours aux hommes lorsqu’il leur arrive des choses auxquelles ils ne s’attendent pas. Cette règle est générale à la guerre ; elle décide de toutes les batailles ; de toutes les affaires : c’est ce que j’appelle le cœur humain, et c’est ce qui m’a fait composer cet ouvrage. Je ne pense pas que personne se soit avisé d’y chercher la raison de la plupart des mauvais succès. Un rien change tout à la guerre. »
Le maréchal de Saxe pense qu’il n’est pas aussi facile qu’on pourrait le penser d’empêcher l’ennemi de passer une rivière ; car il le peut plus aisément en venant vous attaquer qu’en se retirant devant vous. Dans l’un des deux cas, il vous montré sa tête et la soutient d’un grand feu d’artillerie, et dans l’autre il vous montre sa queue ; qui est de très-difficile retraite, d’autant plus que l’on se presse et que l’on ne fait jamais cette disposition avec autant de calme et de soin que lorsqu’on attaque ; enfin, dans une retraite, on contracte une sorte de timidité qui fait que l’on est à moitié battu. Il serait assez difficile d’en découvrir la raison déterminante ; on doit encore la chercher dans le cœur humain. Avec cette donnée, comme avec un fil pour guide, examinez, dit un auteur militaire contemporain ; tout ce qu’a écrit le maréchal de Saxe, tout ce qu’il a conseillé pour la stratégie, pour la tactique, pour là composition, pour la formation, pour les manœuvres de ses bataillons, pour la combi-
