Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui laissait propager ces bruits expédia à Paris quatre députés maires : Arnaud de l’Ariège, Clemenceau, Tirard, Henri Martin. Ils trouvèrent Paris « absolument calme », le dirent au ministre de l’intérieur ; Picard répondit : « Cette tranquillité n’est qu’apparente, il faut agir », et le maire du IVe, Vautrain : « Il faut saisir le taureau par les cornes, arrêter le Comité Central ».

La coalition ne laissa pas un jour sans piquer le taureau. Rires, provocations, injures, s’abattirent sur Paris et ses représentants. Quelques-uns, Malon, Ranc, Rochefort, Tridon, se retirant devant le vote mutilateur de la patrie comme avaient fait Gambetta et ceux de l’Alsace et de la Lorraine, on leur cria : Bon voyage ! Le 8, Victor Hugo défendant Garibaldi est malmené ; il démissionne. Conspué Delescluze qui demande la mise en accusation des Défenseurs. Le 10, quatre cent vingt-sept ruraux refusent de siéger à Paris. Ils veulent plus, la décapitalisation définitive, Bourges ou Fontainebleau. M. Thiers les flatte. « Jamais Assemblée ne reçut de pouvoirs plus étendus — elle n’avait même pas d’archives — vous pourriez même si vous le vouliez faire une Constitution » ; il obtient à grand’peine le transfert à Versailles plus facile à défendre. C’était appeler la Commune car Paris ne pouvait vivre sans gouvernement et sans municipalité.

Le champ de bataille ainsi trouvé, ils firent une armée du désespoir. Les effets de commerce échus du 13 août au 13 novembre 70 furent rendus exigibles sept mois date pour date avec les intérêts ; ainsi, dans trois jours, le 13 mars, il fallait payer les billets échus le 13 août 70. Décret impossible, les affaires étant suspendues depuis sept mois, l’escompte introuvable ; la Banque n’avait pas rouvert ses succursales. Quelques députés de Paris virent Dufaure qui avait vécu la vie du siège. Il fut intraitable, le vrai Dufaure de 48. Restait la question des loyers en retard, redoutable celle-là pour Paris tout entier. Millière adjure l’Assemblée de la résoudre équitablement. Pas de réponse. Trois cent mille ouvriers, boutiquiers, façonniers, petits fabricants et commerçants qui avaient dépensé leur pécule pendant le siège et ne gagnaient rien encore furent jetés à la merci du propriétaire et de la faillite. Du 13 au 17 mars il y eut cent