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d’une loi municipale, et, flanqué des députés Lockroy et Cournet, le nouveau Lafayette partit pour l’Hôtel-de-Ville en disant, : « Je marche au martyre ! »

La place vivait comme en plein jour. Par les croisées de l’Hôtel-de-Ville on voyait circuler la vie, mais rien qui ressemblât aux tumultes passés. Les sentinelles ne laissaient pénétrer que des officiers ou des membres du Comité Central. Ils étaient arrivés un à un depuis onze heures et se trouvaient réunis une vingtaine dans ce même salon où avait conférencié Trochu, très anxieux et très hésitants. Aucun d’eux n’avait rêvé ce pouvoir qui tombait si lourdement sur leurs épaules. Beaucoup ne voulaient pas siéger à l’Hôtel-de-Ville, répétaient sans cesse : « Nous n’avons pas mandat de Gouvernement » ; la discussion renaissait à chaque nouvel arrivant. Un jeune homme, Edouard Moreau, mit de l’ordre dans les idées. Il fut convenu qu’on ne pouvait abandonner le poste conquis, mais qu’on n’y resterait que pour faire les élections, deux ou trois jours au plus. Pour le moment il fallait parer aux attaques possibles. Lullier se trouvait là, dans un de ses moments graves, répondant de tout, invoquant aussi le vote du Vauxhall. On eut l’imprudence de le nommer commandant de la garde nationale, alors que Brunel qui avait tant fait était installé à l’Hôtel-de-Ville.

À deux heures du matin, Langlois s’annonce. Il avait envoyé sa proclamation à l’Officiel. « Qui êtes-vous disent les sentinelles ? — Général de la garde nationale, » répond le brave colonel. Le Comité Central veut bien le recevoir. « Qui vous a nommé ? — L’Assemblée ! mon nom, ajouta-t-il, est un gage de concorde. » Mais Edouard Moreau : « La Garde nationale entend nommer son chef elle-même ; votre investiture par une Assemblée qui vient d’attaquer Paris n’est nullement un gage de concorde. » Langlois jure qu’il n’a accepté que pour faire cesser un malentendu. « Entendu, dit le Comité, mais nous prétendons nommer nos chefs, faire des élections municipales, prendre des garanties contre les monarchistes. Si vous êtes avec nous, soumettez-vous à l’élection populaire. » Langlois, Lockroy soutiennent qu’il n’y a qu’un seul pouvoir légitime : l’Assemblée ; qu’elle n’accordera rien à un comité issu