Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/132

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un jour de mettre la République en question. Elle a placé à notre tête un général déshonoré, décapitalisé Paris, essayé de ruiner son commerce. Elle s’est moquée de nos douleurs ; elle a nié le dévouement, le courage, l’abnégation que Paris a montré pendant le siège, hué nos délégués les plus chers : Garibaldi, Hugo. Le complot contre la République est évident. On a commencé l’attentat en bâillonnant la presse ; on espérait le terminer par le désarmement de nos bataillons. Oui, nous étions dans le cas de légitime défense. Si nous avions courbé la tête sous ce nouvel affront, c’en était fait de la République. Vous venez nous parler de l’Assemblée, de la France. Le mandat de l’Assemblée est terminé. Quant à la France, nous ne prétendons pas lui dicter des lois — nous avons trop gémi sous les siennes — mais nous ne voulons plus subir ses plébiscites ruraux. Vous le voyez, il ne s’agit plus de savoir lequel de nos mandats est le plus régulier. Nous vous disons : la Révolution est faite ; mais nous ne sommes pas des usurpateurs. Nous voulons appeler Paris à nommer sa représentation. Voulez-vous nous aider, faire procéder aux élections ? nous acceptons votre concours avec empressement. »

Comme il parle de Commune autonome, de fédération des communes, Millière intervient. Il a des campagnes socialistes, ce persécuté de l’Empire et de la Défense, froid, compassé, exclusif, face triste, où s’allume parfois une lueur d’enthousiasme. « Prenez garde, dit-il, si vous déployez ce drapeau le Gouvernement jettera toute la France sur Paris et j’entrevois dans l’avenir quelques fatales journées de Juin. L’heure de la Révolution sociale n’a pas sonné. Il faut y renoncer ou périr en entraînant dans votre chute tous les prolétaires. Le progrès s’obtient par une marche plus lente. Descendez des hauteurs où vous vous placez. Victorieuse aujourd’hui votre insurrection peut être vaincue demain. Tirez-en le meilleur parti possible et n’hésitez pas à vous contenter de peu : une concession est une arme qui en donne une autre. Je vous adjure de laisser le champ libre à la réunion des députés et des maires : votre confiance sera bien placée. »

Boursier : « Puisqu’on vient pour la première fois de