Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/140

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narchiques qui attendons notre heure, mais ce qui importe, c’est que nous nous unissions d’abord pour constituer une armée vigoureuse qui résiste au socialisme. » Aussi, à peine sortis de l’échaudée, M. Thiers et ses ministres en vinrent à la jactance. Est-ce que d’ailleurs la province n’allait pas se lever comme en Juin 49 ? Est-ce que ces prolétaires sans éducation politique, sans administration, sans argent, pourraient « conduire leur barque ? »

En 1831, les prolétaires, maîtres de Lyon pendant dix jours, n’avaient pas su s’administrer. Combien plus grande la difficulté pour Paris. Tous les pouvoirs nouveaux ont reçu l’énorme machine administrative intacte, prête à fonctionner au profit du vainqueur. Le Comité Central ne trouvait que des rouages disloqués. Au signal de Versailles, la plupart des employés avaient abandonné leurs postes. Octroi, voirie, éclairage, halles et marchés, assistance pub]ique, télégraphes, tous les appareils digestifs et respiratoires de cette ville de seize cent mille êtres, il fallait tout réorganiser. Certains maires avaient enlevé les cachets, les registres et les caisses de leurs mairies. L’intendance militaire abandonnait, sans un sou, six mille malades dans les hôpitaux et les ambulances. Il n’était pas jusqu’au service des cimetières que M. Thiers n’eût essayé de détraquer.

Pauvre homme, qui ne sut jamais un mot de Paris, de son cœur inépuisable, de son merveilleux ressort. On vint de partout au Comité Central. Les comités d’arrondissement fournirent le personnel aux mairies ; la petite bourgeoisie prêta son expérience. Les principaux services furent rajustés, en un clin d’œil, par des hommes de bon sens et d’application. Il fut démontré que cela valait la routine. Les employés, restés à leur poste pour faire passer les fonds à Versailles, furent très vite découverts.

Le Comité Central vainquit une difficulté bien autrement redoutable. Trois cent mille personnes sans travail, sans ressources d’aucune sorte, attendaient les trente sous quotidiens dont on vivait depuis sept mois. Le 19, les délégués Varlin et Jourde s’étaient rendus au ministère des Finances. Les coffres contenaient