Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/147

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à quoi serviraient des concessions ? Quelle autorité d’ailleurs avaient-ils à Paris ? Qui les écoutait à l’Hôtel-de-Ville ? Est-ce qu’ils croyaient que l’adoption d’un projet de loi désarmerait le parti du brigandage, le parti des assassins ? » Puis, très habilement, pour la province, il chargea Jules Favre de l’exécution solennelle. Pendant une heure et demie, l’amer élève de Guadet, tordant autour de Paris ses périodes savantes, l’englua de sa bave. Sans doute, il se revit au 31 Octobre, torturant souvenir pour cette âme orgueilleuse, d’inextinguibles rancunes. Il débuta par lire la déclaration de la presse « courageusement tracée, sous le couteau des assassins. » Il montra Paris aux mains d’une « poignée de scélérats, mettant au-dessus des droits de l’Assemblée je ne sais quel idéal sanglant et rapace. » Gueusant à la fois, monarchistes, catholiques, républicains : « Ce qu’on veut, ce qu’on a réalisé, c’est un essai de cette doctrine funeste qui, en philosophie, peut s’appeler l’individualisme et le matérialisme et qui, en politique, s’appelle la République placée au-dessus du suffrage universel. » À cette idiote logomachie, l’Assemblée grogna de joie. « Ces nouveaux docteurs, reprit-il, affichent la prétention de séparer Paris de la France. Mais, que l’émeute le sache bien. Si nous avons quitté Paris, c’est avec l’esprit de retour pour la combattre résolument. » (Bravo ! bravo !) Attisant les paniques de ces ruraux qui croyaient voir déboucher à chaque instant les bataillons fédérés : « Si quelques-uns d’entre vous tombaient entre les mains de ces hommes qui n’ont usurpé le pouvoir que pour la violence, l’assassinat et le vol, le sort des malheureuses victimes de leur férocité serait le vôtre. » Enfin, tronquant, exploitant avec habileté une note très maladroite de l’Officiel sur l’exécution des généraux : « Plus de temporisation ! J’ai combattu trois jours l’exigence du vainqueur qui voulait désarmer la garde nationale. J’en demande pardon à Dieu et aux hommes ! » Chaque injure nouvelle, chaque banderille lancée dans la chair de Paris tirait à l’Assemblée des hurlements d’hallali. L’amiral Saisset bondissait, à certaines phrases. Sous l’aiguillon des applaudissements, Jules Favre s’élevait plus haut dans l’invective. De-