Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puis la Gironde, depuis Isnard, Paris n’avait pas reçu pareille imprécation. Langlois, lui-même, n’y pouvant tenir, s’écria : « Oh ! c’est affreux, c’est atroce de dire cela ! » Quand Jules Favre termina, implacable, impassible, avec un peu d’écume seulement au coin des lèvres : « La France ne tombera pas sous le niveau sanglant des misérables qui oppriment la capitale, » l’Assemblée délirante se leva tout entière : « Faisons appel à la province ! » Et Saisset : « Oui, appelons la province et marchons sur Paris ! » Vainement, un des députés-maires supplia l’Assemblée de ne pas les laisser rentrer à Paris, les mains vides. Cette haute bourgeoisie qui venait de livrer au Prussien la pudeur, la fortune et la terre françaises, tremblait de fureur à la seule pensée de céder quelque chose à Paris.

Le lendemain de cette horrible séance, les représentants radicaux ne purent publier qu’une affiche larmoyante invitant Paris à patienter. Les élections annoncées pour ce jour-là par le Comité Central devenaient impossibles. Il les ajourna au lendemain 23 mai, mais il prévint les journaux que les provocations à la révolte seraient sévèrement réprimées.

Les matadors réactionnaires chauffés à blanc par le discours de Jules Favre, rirent de l’avertissement. À midi, ils grouillent sur la place de l’Opéra. À une heure, un millier de beaux, boursiers, journalistes, anciens familiers de l’Empire, descendent la rue de la Paix, au cri de : Vive l’ordre ! Leur plan est de forcer la place Vendôme sous l’apparence d’une manifestation pacifique et d’en chasser les fédérés. De là, maîtres de la mairie du Louvre, de la moitié du IIe arrondissement, de Passy, ils coupent en deux Paris et intimident l’Hôtel-de-Ville. L’amiral Saisset les suit.

Devant la rue Neuve-Saint-Augustin, ces pacifiques manifestants désarment et maltraitent deux gardes nationaux détachés en sentinelles. Les fédérés de la place Vendôme saisissent leurs fusils et accourent en ligne à la hauteur de la rue Neuve-des-Petits-Champs. Ils ne sont que deux cents, toute la garnison de la place. Malgré l’avertissement de la veille, Bergeret n’a pris aucune précaution, les deux canons braqués sur la rue de la Paix n’ont pas de gargousses.