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électeurs du quartier Saint-Antoine, en colonne, bulletin au chapeau, défilèrent place de la Bastille et, dans le même ordre, allèrent aux sections.

L’adhésion, la convocation des maires firent voter les quartiers bourgeois. Les élections devenaient légales puisque les fondés de pouvoir du Gouvernement les avaient consenties. Deux cent quatre vingt-sept mille votèrent, beaucoup plus relativement qu’aux élections de février. Et M. Thiers de télégraphier : « Les élections ont été désertées par les citoyens amis de l’ordre. »

Scrutin sincère d’un peuple libre. Ni police ni intrigues aux abords des salles. « Les élections se feront aujourd’hui sans liberté », télégraphia encore M. Thiers. La liberté fut tellement absolue que beaucoup d’adversaires du Comité Central furent élus, que d’autres eurent des minorités très fortes, Louis Blanc, 5 680 voix, Vautrain, 5 133, etc., qu’il n’y eut pas une seule protestation.

Les journaux modérés donnaient même des éloges à l’article de l’Officiel qui exposait le rôle de la future assemblée communale : « Avant, tout, il lui faudra définir son mandat, délimiter ses attributions… Son œuvre première devra être la discussion et la rédaction de la charte… Ceci fait, il lui faudra aviser aux moyens de faire reconnaître et garantir par le pouvoir central ce statut de l’autonomie municipale. » Cette clarté, cette sagesse, la modération qui marquait les actes officiels finissaient par gagner les réfractaires. Il n’y avait que Versailles dont les imprécations ne s’abattaient pas. Le 27, M. Thiers disait à la tribune : « Non, la France ne laissera pas triompher dans son sein les misérables qui voudraient la couvrir de sang. »

Le lendemain, deux cent mille misérables vinrent à l’Hôtel-de-Ville installer leurs élus. Les bataillons, tambour battant, le drapeau surmonté du bonnet phrygien, la frange rouge au fusil, grossis de lignards, artilleurs et marins fidèles à Paris, descendirent par toutes les rues sur la place de Grève, comme les affluents d’un fleuve gigantesque. Au milieu de l’Hôtel-de-Ville, contre la porte centrale, une grande estrade est dressée. Le buste de la République, l’écharpe rouge