Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/163

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Les drapeaux s’inclinaient, les officiers saluaient du sabre, les hommes élevaient leurs fusils. Les dernières files ne s écoulèrent qu’à sept heures.

Les agents de M. Thiers revinrent, consternés : « C’était bien tout Paris ! » Le Comité Central put s’écrier dans un remerciement enthousiaste : « Aujourd’hui, Paris ouvrait à une page blanche le livre de l’histoire et y écrivait son nom puissant… Que les espions de Versailles qui rôdent autour de nous aillent dire à leurs maîtres quelles sont les vibrations qui sortent de la poitrine d’une population tout entière. Que ces espions leur rapportent l’image de ce spectacle grandiose d’un peuple reprenant sa souveraineté. »

Cet éclair eût illuminé des aveugles. Deux cent vingt-sept mille votants, deux cent mille hommes n’ayant qu’un cri, ce n’est pas un comité occulte, une poignée de factieux et de bandits comme on dit depuis dix jours. Il y a là une force immense au service d’une idée définie : l’indépendance communale. Force inappréciable à cette heure d’anémie universelle, trouvaille aussi précieuse que la boussole échappée au naufrage et qui sauve les survivants

Heure unique, dans cette histoire. L’union de notre aurore renaît. La même flamme réchauffe les âmes, ressoude la petite bourgeoisie au prolétariat, attendrit la bourgeoisie moyenne. À de tels moments on peut refondre un peuple.

Libéraux, si de bonne foi vous avez réclamé la décentralisation, républicains, si vous avez compris pourquoi Juin fit Décembre, si vous voulez le peuple de lui maître, entendez la voix nouvelle, orientez la voile à ce vent de renaissance.

Le Prussien surplombe ? — Qu’importe ! N’est-ce pas plus grand de forger l’arme sous l’œil de l’ennemi ? Bourgeois, n’est-ce pas devant l’étranger que votre ancêtre, Etienne Marcel, voulut refaire la France ? Et la Convention n’a-t-elle pas manœuvré dans le souffle de la tempête ?

Que répondent-ils ? — À mort !

Le rouge soleil des discordes civiles fait tomber les fards et les masques. Ils sont là, toujours côte à côte, comme en 1791, 1794, 1848, les monarchistes, les cléri-