Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/172

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et de l’indépendance que nous avaient ravies les législations impériales et monarchiques ; elle est la vraie base de la République. » Dans cette ruche ouvrière, à côté des mineurs de la Ricamarie et de Firminy, on n’avait pas un mot pour la question sociale. La commission ne sut que battre le rappel, il ne rendit pas.

Le lendemain, dimanche, la ville calme lisait les affiches de la Commune placardées à côté des appels du général et du procureur. Le général engageait le conseil municipal à retirer sa démission ; il vint dire aux conseillers réfugiés dans sa caserne : « Mes soldats ne veulent pas se battre, mais j’ai mille chassepots ; si vous voulez vous en servir, en avant ! » Le conseil ne se découvrit aucune aptitude militaire et en même temps, comme à Lyon, il refusa d’envoyer à l’hôtel de ville, « attendu qu’on ne traite qu’avec des gens honnêtes. »

Le 27, l’Alliance et l’Eclaireur se dégagèrent complètement. La commission se disloqua. Le soir, les quelques fidèles qui restaient reçurent deux jeunes gens envoyés de Lyon par Amouroux. Ils parlèrent pour la résistance et l’hôtel de ville se vidait de ses défenseurs. Le 28, à six heures du matin, il n’avait plus qu’une centaine d’hommes lorsque le général Lavoye se présenta avec les francs-tireurs des Vosges et quelques troupes venues de Montbrison. Un parlementaire fut envoyé aux gardes nationaux, les conjura de déposer les armes afin d’éviter une effusion de sang. Ils consentirent à évacuer la mairie.

De nombreuses arrestations suivirent. Les conservateurs racontèrent qu’on avait vu des cannibales parmi les meurtriers du préfet. Son successeur, Ducros, l’auteur des ponts trop courts de la Marne, plus tard le fameux préfet de l’ordre moral, déposa ainsi devant la commission versaillaise : « On ne respecta pas son cadavre ; on lui fit sauter la tête. Dans la nuit, chose effroyable, un des hommes qui a participé à l’assassinat et qui a comparu devant la justice, vint à un café, offrant aux consommateurs de leur donner des morceaux du crâne de M. de l’Espée et faisant craquer sous ses dents des morceaux de ce crâne. » Ce Ducros précisait : « L’homme avait été arrêté, traduit en jugement, acquitté. » Horrible imagination qu’ont flétrie même