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viser au besoin le manifeste, puis, s’armant des protestations du Comité, l’obliger à se dissoudre et répartir ses membres dans les différents services. La Commune se contenta de maugréer contre le Comité.

Et pourtant si elle se crut énergique ce fut bien ce jour-là. La sauvagerie versaillaise, l’assassinat des prisonniers, de Flourens et de Duval, avaient exaspéré les plus calmes. Ils étaient là, pleins de vie, trois jours auparavant, ces braves compagnons qui étaient aussi des amis, des frères. Leur place vide semblait crier vengeance. Eh bien, puisque Versailles faisait cette guerre de sauvage, on répondrait œil pour œil, dent pour dent. D’ailleurs, si la Commune n’agissait pas, le peuple, disait-on, se vengerait plus terrible. Le 4, Vaillant avait demandé que pour répondre aux assassinats de Versailles, la Commune se souvînt qu’elle avait des otages et rendît coup pour coup. Le 5, Delescluze déposa un projet et à l’unanimité on décréta que tout prévenu de complicité avec Versailles serait jugé dans les quarante-huit heures, et si coupable, retenu comme otage. L’exécution par Versailles des défenseurs de la Commune devait être suivie de celle d’otages, en nombre triple, portait le décret, en nombre égal ou double, disait la proclamation.

Ces variantes montraient le trouble des esprits. Les journaux bourgeois crièrent bien à l’abomination et M. Thiers, qui fusillait sans décret, dénonça la férocité de la Commune ; tout ce monde au fond riait sous cape. Les réactionnaires de grande marque avaient fui depuis longtemps. Il ne restait dans Paris que le menu fretin et quelques attardés que Versailles saurait sacrifier au besoin. « Les otages ! les otages ! tant pis pour eux ! » disait le doux Barthélémy Saint-Hilaire à qui lui parlait d’une journée possible dans les prisons. La Commune dans son indignation aveugle ne voyait pas les vrais otages qui crevaient les yeux : la Banque, l’Enregistrement et les Domaines, la Caisse des dépôts et consignations, etc. Par là on tenait les glandes génitales de Versailles ; on pouvait rire de son expérience, de ses canons. Sans exposer un homme, la Commune n’avait qu’à lui dire : « Transige ou meurs. »

Les élus du 26 mars n’étaient pas pour l’oser. Le