Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/212

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Elle crut tout arrangé en ratifiant le choix de Cluseret comme délégué à la Guerre. Dès le 19 mars, il avait assiégé le Comité Central quêtant un généralat, offrant des plans de bataille contre les maires. Éconduit, il s’était raccroché à la Commission exécutive qui, malgré Lefrançais, l’adjoignit aux généraux le soir du 2 avril. Le rappel battait à ce moment pour la funeste sortie. Cluseret vit les généraux, les laissa s’enferrer et le lendemain dénonça leur « gaminerie ». C’est ce brochurier militaire sans autre gage que la décoration conquise sur les barricades de Juin, que des socialistes de 71 chargeaient de défendre la Révolution. Comme Trochu il apportait son plan et comme il avait promis aux Lyonnais, il promettait à la Commune de mettre sur pied en vingt ou vingt-cinq jours une armée capable de prendre l’offensive.

Ce choix ne déplut pas trop au Comité Central. Il s’était installé rue de l’Entrepôt, derrière la Douane, près de son berceau, et le 3 il répondit à l’attaque versaillaise par une proclamation : « Travailleurs, ne vous y trompez pas, c’est la grande lutte. C’est le parasitisme et le travail, l’exploitation et la production qui sont aux prises. Si vous êtes las de végéter dans l’ignorance et de croupir dans la misère ; si vous voulez que vos enfants soient des hommes ayant le bénéfice de leur travail, et non des sortes d’animaux dressés pour l’atelier et le combat ; si vous ne voulez plus que vos filles, que vous ne pouvez élever et surveiller à votre gré, soient des instruments de plaisir aux bras de l’aristocratie d’argent ; si vous voulez enfin le règne de la Justice, travailleurs, soyez intelligents, debout ! »

Le Comité Central déclarait bien, dans une autre affiche, qu’il ne voulait aucun pouvoir politique ; le pouvoir, en temps de Révolution, va de lui-même à qui la définit. L’Hôtel-de-Ville n’avait pas su encore expliquer la Commune et son bagage politique consistait en deux décrets jetés au vent. Le Comité Central, au contraire, n’avait cessé d’indiquer très nettement le caractère de cette lutte devenue sociale, et crevant le décor politique, montrait derrière ce conflit pour les libertés municipales, la question du prolétariat.

La Commune pouvait profiter de cette nouvelle leçon,