Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/261

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rendre, déposèrent leurs armes. Les soldats les emmenaient ; un officier survint et, sans mot dire, déchargea son revolver. Deux furent tués, les autres, laissés pour morts, se traînèrent jusqu’à la tranchée voisine, où l’un d’eux expira ; le quatrième fut transporté à l’ambulance.

Le 26, à la Commune, Léo Meillet raconte l’assassinat. La vengeance secoue les plus modérés. « Il faut user de représailles et fusiller les prisonniers que nous avons entre les mains ! » Plusieurs : « L’archevêque de Paris ! » Tridon : « Quand il se présente une question virile, c’est à qui l’enterrera… mais vous passez des heures à discuter de petites questions philosophiques ; aujourd’hui vous ne pouvez plus faire de représailles. » Blanchet veut qu’on fusille au petit jour les gendarmes, les mouchards en prison. Ant. Arnaud : « Qu’on exécute publiquement douze gendarmes. » Tridon : « Pourquoi prendre douze hommes pour quatre ; vous n’en avez pas le droit. » Ostyn s’oppose aux exécutions : « La Commune doit vivre par ses actes. » Vaillant : « C’est la propriété qu’il faut frapper. » Avrial et Jourde : « Qu’on procède légalement. » Arthur Arnould : « Qu’on s’en prenne à Thiers en démolissant sa maison. » Plus perspicace, le généreux Cambon s’éleva : « Si les gens de Versailles fusillent nos prisonniers, que la Commune, déclare devant la France, devant le monde, qu’elle respectera, elle, tous les prisonniers qu’elle fera, que les officiers qui forcent les hommes à marcher seront eux-mêmes respectés dans une certaine mesure. » Il conclut à une commission d’enquête. — Elle constata la réalité du crime. — La discussion vient aux questions personnelles, tellement vive que l’assemblée décide de ne pas publier le procès-verbal. L’annonce d’une délégation de francs-maçons impose un peu de calme.

Ranvier les conduisait. Les francs-maçons s’étaient réunis dans l’après-midi au théâtre du Châtelet. L’un d’eux ayant fait la motion d’aller planter les bannières maçonniques sur les remparts, mille applaudissements répondirent. Quelques opposants ne purent combattre cet enthousiasme et, séance tenante, on décida d’aller, bannière en tête, porter à l’Hôtel-de-Ville la grande