Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/262

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résolution. La Commune reçut les délégués dans la cour d’honneur. « Si, au début, dit l’orateur Thirifocq, les francs-maçons n’ont pas voulu agir, c’est qu’ils tenaient à acquérir la preuve que Versailles ne voulait entendre aucune conciliation. Ils sont prêts, aujourd’hui, à planter leurs bannières sur les remparts. Si une seule balle les touche, les francs-maçons marcheront d’un même élan contre l’ennemi commun. » À cette déclaration, on applaudit, on s’embrasse. Jules Vallès, au nom de la Commune, tend son écharpe rouge qui cravate la bannière ; une délégation de la Commune reconduit les frères jusqu’au temple de la rue Cadet.

Ils vinrent, trois jours après, dégager leur parole. L’intervention de cette puissance mystérieuse avait jeté un grand espoir dans Paris. Le 29 au matin, une foule énorme encombrait les abords du Carrousel, rendez-vous de toutes les loges. Malgré quelques francs-maçons qui avaient protesté par affiche, à dix heures, six mille frères, représentant cinquante-cinq loges, étaient rangés dans le Carrousel. Six membres de la Commune les conduisirent à l’Hôtel-de-Ville, au milieu de la foule et des bataillons en haie. Une musique grave et d’un caractère rituel précédait le cortège ; des officiers supérieurs, les grands-maîtres, les membres de la Commune et les frères avec le large ruban bleu, vert, blanc, rouge ou noir, suivant le grade, suivaient, groupés autour de soixante-cinq bannières pour la première fois paraissant au soleil. Celle qui marchait en tête, la bannière blanche de Vincennes, montrait en lettres rouges la devise fraternelle et révolutionnaire : Aimons-nous les uns les autres. Une loge de femmes fut surtout acclamée.

Les bannières et une nombreuse délégation pénétrèrent dans l’Hôtel-de-Ville. Les membres de la Commune groupés sur le palier de l’escalier de la cour d’honneur, les attendaient. Les bannières s’étagèrent sur les degrés. Ces étendards de paix accolant le drapeau rouge, cette petite bourgeoisie qui joignait les mains avec le prolétariat sous l’image de la République, ces cris de fraternité, ranimèrent les plus découragés. Félix Pyat fit une allocution de rhéteur, bosselée d’antithèses. Le père Beslay fut bien plus éloquent, dans