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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

bres de la Commune, du Comité Central, les principaux officiers, les effectifs, le caractère des troupes qu’il acceptait de conduire.

Il débuta par une fausse note, répondant à l’officier versaillais qui avait sommé le fort d’Issy : « Mon cher camarade, la première fois que vous vous permettrez de nous envoyer une sommation aussi insolente, je ferai fusiller votre parlementaire… Votre dévoué camarade. » Cette désinvolture sentait le condottiere. Il n’entendait rien à l’âme de Paris, à cette guerre civile, celui qui menaçait de fusiller un innocent, qui donnait du cher, du dévoué camarade, au collaborateur de Galliffet.

Nul ne comprit moins la Ville, la garde nationale. Il s’imaginait que le Père Duchêne était la voix du travailleur et s’enfermait avec son directeur, Vermesch, sceptique et vaniteux. À peine au ministère, il parla de caserner les gardes nationaux, de canonner les fuyards. Il voulait démembrer les légions, en faire des régiments dont il aurait nommé les colonels. Le Comité Central protesta, les bataillons se plaignirent à la Commune qui manda Rossel.

Il vint le 2 mai et passa une sorte d’examen. L’antédiluvien Miot lui demanda quels étaient ses antécédents démocratiques. « Je ne vous dirai pas, répondit Rossel, que j’ai profondément étudié les réformes sociales, mais j’ai horreur de cette société qui vient de livrer si lâchement la France. J’ignore ce que sera l’ordre nouveau du socialisme ; je l’aime de confiance, il vaudra toujours mieux que l’ancien. » Il entra ensuite dans le sujet, donna des explications sur le fort d’Issy, exposa son projet de formation de régiments en homme du métier, d’une parole sobre, parfois si heureuse que l’assemblée fut séduite. « Vos explications franches ont satisfait la Commune, lui dit le Président, soyez assuré de son concours sans réserve. »

Le Comité Central ne se tint pas pour battu ; le lendemain, d’accord avec les chefs de légions, il les envoya à l’Hôtel-de-Ville. Rossel eut vent du projet et fit arrêter l’un d’eux. Les autres arrivèrent au Comité de salut public, le sabre au côté, et ne trouvant personne, laissèrent ce petit billet : « Le Comité de salut public recevra le Comité Central à cinq heures. »