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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

Le peuple voulait se partager les débris de la colonne. La Monnaie s’y opposa sous raison de gros sous. L’un des premiers actes de la bourgeoisie victorieuse fut de relever ce bâton énorme, symbole de sa souveraineté. Pour remonter le maître sur son piédestal, il fallut un échafaudage de trente mille cadavres. Comme les mères du premier Empire, combien de celles de nos jours n’ont pu regarder ce bronze sans pleurer.




CHAPITRE XXV


Paris la veille de la mort. — Versailles.

Le Paris de la Commune n’a plus que trois jours à vivre. Gravons dans l’histoire sa lumineuse physionomie.

Celui qui a respiré de ta vie qui est la fièvre des autres, qui a palpité sur tes boulevards et pleuré dans tes faubourgs, qui a chanté aux aurores de tes révolutions et, quelques semaines après, lavé ses mains de poudre derrière les barricades ; celui qui peut entendre sous tes pavés la voix des martyrs de l’idée et saluer tes rues d’une date humaine ; pour qui chacune de tes artères est un rameau nerveux, celui-là ne te rend pas justice encore, grand Paris de la révolte, s’il ne t’a pas vu du dehors. Les Philistins étrangers, d’une moue dédaigneuse, disent : « Voyez ce fou ! » Mais ils guettent leur prolétaire qui a suspendu son marteau, regarde, ils tremblent que ton geste ne lui apprenne comment il décrochera le grand ressort de leur souverai-