Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

neté. L’attraction de Paris rebelle fut si forte qu’on vint de l’Amérique pour ce spectacle inconnu à l’histoire : la plus grande ville du continent européen aux mains des prolétaires. Les pusillanimes furent attirés.

Dans les premiers jours de mai, il nous vint un ami des timides de la timide province. Les siens l’avaient escorté au départ, les larmes aux yeux, comme s’il descendait aux Enfers. Il nous dit : Qu’y a-t-il de vrai ? — Eh bien ! venez fouiller tous les recoins de la caverne.

Partons de la Bastille. Les camelots assourdissants crient le Mot d’ordre ! de Rochefort, le Père Duchêne ! le Cri du Peuple ! de Jules Vallès ; le Vengeur ! de Félix Pyat ; la Commune ! le Tribun du peuple ! l’Affranchi ! l’Avant-Garde ! le Pilori des mouchards ! l’Officiel est peu demandé, les membres de la Commune l’étouffent sous leur concurrence ; l’un d’eux, Vésinier, va jusqu’à publier dans Paris-libre une séance secrète. Le Cri du Peuple tire à cent mille exemplaires. C’est le premier levé ; il chante avec le coq. Si nous avons du Vallès ce matin, bonne aubaine ; mais il passe trop souvent la parole à Pierre Denis qui nous autonomise à outrance. N’achetez qu’une fois le Père Duchène, quoiqu’il tire à 60 000. Il n’a rien de celui d’Hébert, qui ne fut pas un grand sire. Prenez dans le Vengeur l’article de Félix Pyat comme un bel échantillon d’ivrognerie littéraire. La Commune est le journal doctrinaire où Millière écrit quelquefois, où Georges Duchène secoue les jeunes et les vieux de l’Hôtel-de-Ville avec une sévérité qui exigerait un autre caractère.

Aux kiosques voici les caricatures : Thiers, Picard, Jules Favre sous la figure des trois Grâces enlaçant leur ventripotence. Ce poisson aux écailles vert bleu qui dessert un lit à couronne impériale, c’est le marquis de Galliffet. L’Avenir, moniteur de la Ligue, le Siècle devenu très hostile depuis l’arrestation de Chaudey, la Vérité du yankee Portalis s’empilent, mélancoliques et intacts. Une trentaine de journaux versaillais ont été supprimés par la préfecture de police ; ils n’en sont pas morts, un camelot très peu mystérieux nous les offre.

Cherchez, trouvez un appel au meurtre, au pillage, une ligne cruelle dans ces journaux communeux, chauffés