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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

Un militaire gravit les marches, s’approcha du cadavre et déchargea son chassepot dans la tempe gauche. La tête de Millière rebondit et, retournée en arrière, éclatée, noire de poudre, parut regarder le frontispice du monument [1].

« Vive l’humanité ! » Le mot dit les deux causes : « Je tiens autant à la liberté pour les autres peuples que pour la France », disait un fédéré à un réactionnaire. En 1871 comme en 1793, le combat de Paris est pour tous les opprimés.

La Bastille succombe vers deux heures. La Villette se dispute encore. Le matin, la barricade du coin du boulevard et de la rue de Flandre a été livrée par son commandant. Les fédérés se concentrent en arrière sur la ligne du canal et barricadent la rue de Crimée. La Rotonde, destinée à supporter le choc principal, est renforcée par une barricade sur le quai de la Loire. Le 269e, qui, depuis deux jours, tient tête à l’ennemi, recommence la lutte derrière ces positions nouvelles. Cette ligne de la Villette étant très étendue, Ranvier et Passedouet vont chercher des renforts au XXe, où se réfugient les débris de tous les bataillons.

Ils remplissent la mairie qui distribue les logements et les bons de vivres. Près de l’église, les fourgons et les chevaux s’accumulent bruyamment. Le quartier général et les différents services sont installés dans la rue Haxo, à la cité Vincennes, série de constructions coupées de jardins.

Les barricades très nombreuses dans les rues inextricables de Ménilmontant sont presque toutes tournées contre le boulevard. La route stratégique qui, sur ce point, domine le Père-Lachaise, les buttes Chaumont et les boulevards extérieurs, n’est pas même gardée.

Du haut des remparts, on voit les Prussiens sous les armes. D’après les termes d’une convention précédemment conclue entre Versailles et le prince de Saxe, l’armée allemande, depuis le lundi, cernait Paris au nord et à l’est. Elle avait coupé le chemin de fer du Nord, garni la ligne du canal du côté de Saint-Denis,

  1. Appendice XXIII.