Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/44

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fit un volume des insanités échappées dans quelques réunions publiques. Son journal avait lancé la Société des gourdins réunis contre les républicains. Le coquin du Lampion, l’inventeur en juin 48 des mobiles sciés entre deux planches, du vitriol lancé avec des pompes, des femmes vendant aux soldats de l’eau-de-vie empoisonnée, du municipal empalé, des bons pour trois dames du faubourg Saint-Germain, etc., Villemessant avait sous cet Empire qui fit sortir toutes les sanies, créé le journal-type de la presse de joie, le Figaro. Une escouade de petits drôles plus ou moins écrituriers, allaient à la Cour, à la ville, au théâtre, dénicher le cancan, le scandale du jour, l’anecdote croustillante, écoutant aux portes, flairant les cuvettes, fouillant les poches, recevant quelquefois la pièce, souvent le pied. Paillard, conservateur, religieux, le Figaro était l’organe et l’exploiteur de cette truanderie de dignitaires, de boursiers et de filles qui levaient si galamment les écus et la jambe. Les gens de lettres l’avaient adopté, y trouvant pâtée et tréteau. Le Gouvernement l’utilisa pour insulter l’opposition, ridiculiser les républicains, calomnier les réunions publiques, accréditer les faux complots qui pouvaient rattacher les timides à l’Empire. Son succès créa des rivaux. En 70 cette presse arétine, riche, achalandée, faisait vivre une nuée de proxénètes littéraires qui eussent déshabillé leur mère en public pour placer leur copie. On les lança dans la lutte plébiscitaire et beaucoup allèrent en province renforcer la presse locale obligée à quelque retenue.

Les républicains, les opposants, à court de journaux, manquaient encore plus d’organisation. Chez le vieux Crémieux, qui jouait les Nestor, ils tinrent une réunion où trois députés, dont Jules Simon, et sept journalistes furent chargés de parler au peuple et à l’armée ; ils rédigèrent deux articles. Les dix-sept députés du groupe Picard refusèrent d’adhérer, ne voulant faire « aucune révolution » ; la Marseillaise et le Rappel refusèrent d’insérer parce qu’on n’y parlait pas de République et qu’il n’y avait pas de signatures d’ouvriers. Ceux-ci, heureusement, savaient se passer de porte-voix. Le 24 avril, la Corderie envoya ce manifeste aux travailleurs des villes et des campagnes : « Insensé