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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

écrivait au ministre de la guerre Cissey, le fusilleur du Luxembourg : « Désormais aucune poursuite ne doit avoir lieu si elle n’est commandée par le sentiment unanime des honnêtes gens. » Les honnêtes conseils de guerre comprirent et leur besogne continua. Quelques contumaces qui s’étaient aventurés en France sur l’espoir des premiers jours avaient été repris ; leurs peines furent confirmées. Les organisateurs de groupes ouvriers furent frappés impitoyablement quand on put les rattacher à la Commune[1]. En novembre 76 un conseil de guerre prononça une condamnation à mort pour fait d’insurrection.

Cette barbarie persistante, survivant aux années, irritait l’opinion, et Mac-Mahon fut reçu, dans un voyage à Lyon, aux cris de : Vive l’amnistie ! Les radicaux durent s’agiter et demander au moins la cessation des poursuites. Gambetta fut cette fois avec eux. Sa politique était de rassurer le bourgeois en traitant la Commune d’ « insurrection criminelle », de « convulsion de la misère, de la famine et du désespoir » et d’obtenir ainsi quelques abréviations de torture. À la Chambre il alla jusqu’à louer les conseils de guerre pour « le dévouement, la sagesse, l’esprit militaire » avec lequel ils avaient examiné les dossiers. Une loi fut votée le 6 novembre qui pouvait, dans certains cas, signifier prescription ; le Sénat la repoussa.

En décembre 76, Jules Simon grimpe au ministère, de la casaque de Thiers passant à la livrée de Mac-Mahon. L’onctueux fusilleur apportait un mot-programme : « la République aimable » ; l’amabilité n’allait pas jusqu’aux Communeux. Son collègue à la Justice, l’ex-président de la commission des assassins, le galant Martel, qui déclarait abominables les commissions

  1. Le 2 décembre 1876, Baron, ex-délégué des comptables au congrès ouvrier, fut traduit devant le 3e Conseil pour avoir été secrétaire de la Délégation de la guerre. « Messieurs du conseil, dit le président, remarqueront que l’accusé est toujours dans les sentiments qui l’animaient en 1871, car nous l’avons vu, en 1876, faire partie du congrès ouvrier. » Pour le militaire une réunion d’ouvriers équivalait à une insurrection. Baron fut condamné à la déportation.