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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

même des vraisemblances, il ne s’inquiétait jamais. Tout ce qui était Versaillais, cancan réactionnaire, était source certaine, le premier chiffon venu de n’importe où, document ; tout fonctionnaire resté à Paris pendant la Commune une autorité indiscutable dont il consignait religieusement les plus cocasses vantardises ; les réquisitoires des Conseils de guerre, les témoins à charge méritaient seuls créance ; tous les accusés avaient menti. Imperturbablement il accumulait les balourdises, faisait de Blanqui l’inspirateur de l’Internationale, d’Assi un personnage dominant, de Frankel un brutal, de Varlin un poltron, de Dombrowski un traître, confondait Cournet avec Latappy, Ranvier avec son frère. Son système d’argumentation était bien simple. Il citait un fait d’arrestation, de perquisition, voire d’exécution d’espion, et il terminait : « C’est par milliers qu’on pourrait multiplier les exemples » ou bien « il en était de même un peu partout. » D’autres fois il niait tout sec. Delescluze, « ce Bridoison patibulaire, » n’était pas mort volontairement ; il le savait, lui, par un témoin qu’il ne voulait pas nommer[1] ; il n’était pas vrai qu’on eût fusillé de faux Vallès, Billioray, Brunel, etc ; c’étaient eux qui, pour dépister les recherches, avaient envoyé aux journaux le récit de leur exécution. Fausses aussi les exécutions si nombreuses. Le général Appert disait 17 000 ; ce n’était pas vrai ; il avait, lui, Maxime Du Camp le chiffre exact « 6 500 au plus, » « faits de guerre, ajoutait-il, inhérents au droit de légitime défense. » Il connaissait ce chiffre « exact, » par l’administration des cimetières, par les procès-verbaux d’exhumation ; comme si les administrateurs avaient compté les corps envoyés par charretées, les commissaires eu le temps de verbaliser, les incinérateurs souci du nombre des cadavres empilés. Maxime Du Camp « avait tous les procès-verbaux entre les mains », au besoin il eut donné le nom des victimes, car il se vantait d’exactitude : « Je n’ai rien avancé, disait-il, qui ne fût

  1. L’abbé Vidieu a été moins discret ; c’est ce Victor Thomas, neveu de Clément Thomas, entré à l’état-major de Bergeret et qui déposa comme témoin à charge devant les Conseils de guerre : pauvre diable qui joua à l’espion pour sauver sa peau.