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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

neux pour la nation ; pendant cent années, la France a chargé des hommes plus ou moins nuancés ou illustres de lui fabriquer des lois, et ces lois, toujours faites au seul profit d’un petit nombre, ont abouti à l’amoindrissement de la puissance nationale. L’expérience a trop duré ; elle est finie. Le lion ne remorquera plus la bourrique.

Trois fois, le prolétariat français a fait la République pour les autres ; il est mûr pour la sienne. Les lumières qui lui manquaient autrefois ne jaillissent maintenant que de lui. La poignée de ses adversaires ne remue que des cendres, débris d’un monde anti-moderne, anti-économique, fort seulement de lois et d’administrations surannées. Qu’ils disparaissent et sera centuplée la production d’une France contrainte aujourd’hui à se consumer sur place. Le gouvernement du peuple c’est la mise en marche d’une réserve de travail accumulé, aujourd’hui improductif.

Jamais la nation ne fut mieux musclée pour une prise de pouvoir. Quelques quarterons d’anémiques et de muscadins fin de siècle qui se disent navrés d’incertitudes ne sont pas plus la France que ne l’étaient les marquis d’avant 1789. Ah ! ils ne sont pas incertains de leur capacité les travailleurs des campagnes et des villes. Quelle génération fut depuis cent ans plus instruite, plus compréhensive d’idéal ?

Pour disperser les frelons et traverser victorieux les rouges horizons qui se lèvent, que faut-il ? Oser. Comme autrefois, « ce mot renferme toute la politique de cette heure. » Oser et « labourer profond ». L’audace est la splendeur de la foi. C’est pour avoir osé que le peuple de 1789 domine les sommets de l’histoire, c’est pour n’avoir pas tremblé que l’histoire fera sa place à ce peuple de 1870-71 qui eut de la foi jusqu’à en mourir.