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l’ambassade allemande ; le bourgeois, gagné par les mensonges officiels, fermé aux journaux étrangers, croyant à l’armée depuis tant d’années imbattue, se laissa entraîner, lui qui avait tant voulu l’Italie une contre cette Allemagne qui cherchait son unité ; l’Opéra se trouva patriote, réclama la Marseillaise à l’appel d’un vieux sceptique, Girardin, sénateur désigné et qui, dans son journal, jetait l’Allemand par-dessus Rhin.

C’est ce que Napoléon III appela « l’élan irrésistible de la France. »

Pour l’honneur du peuple français, une autre France se montra. À ce crime de guerre, à cette lie chauvine qui roule ses flots vaseux, les travailleurs parisiens veulent barrer la voie. Le 15, au moment où Émile Ollivier gonfle son cœur léger, des groupes formés à la Corderie descendent sur les boulevards. Place du Château-d’Eau[1] beaucoup les joignent ; la colonne grossit, crie : Vive la paix ! chante le refrain de 48 :

« Les peuples sont pour nous des frères
« Et les tyrans des ennemis. »

Du Château-d’Eau jusqu’à la porte Saint-Denis, quartiers populaires, on applaudit ; on siffle aux boulevards Bonne-Nouvelle et Montmartre où il y a des rixes avec des bandes mélangées ; la colonne pousse jusqu’à la rue de la Paix, la place Vendôme où l’on hue Émile Ollivier, la rue de Rivoli et, l’Hôtel-de-Ville. Le lendemain, ils se retrouvent bien plus nombreux à la Bastille et l’effort recommence. Ranvier, peintre sur porcelaine, très populaire à Belleville, porte en tête un drapeau. Au boulevard Bonne-Nouvelle les sergents de ville chargent l’épée en main, les dispersent.

Impuissants à soulever la bourgeoisie, les travailleurs français se retournent, vers ceux d’Allemagne : « Frères, nous protestons contre la guerre, nous qui voulons la paix, le travail et la liberté. Frères, n’écou-

  1. Aujourd’hui place de la République.