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ramènent en lui prenant deux canons. Le Gouvernement tournait ces refoulées en reconnaissances heureuses, grisait Paris de la belle défense de Châteaudun, battait monnaie avec les dépêches de Gambetta, délégué le 8 en province ; il les gênait à Paris, croyant, lui, à la défense.

Les maires entretenaient cette douce confiance. Ils siégeaient à l’Hôtel-de-Ville avec leurs adjoints, à deux pas du Gouvernement et ces soixante-quatre n’avaient qu’à regarder pour voir clair. Mais ils étaient en très grande majorité de ces libéraux et républicains doctrinaires si bien représentés par la Gauche[1]. Parfois ils grattaient à la porte des Défenseurs, les interrogeaient timidement, recevaient de vagues assurances, n’y croyaient pas et voulaient que Paris y crût. « En rapport, a dit l’un des plus importants, Corbon, avec une population anxieuse qui nous demandait ce que pensait le Gouvernement, nous étions obligé de le couvrir, de dire qu’il était tout à la défense, que les chefs de l’armée étaient pleins de dévouement et travaillaient avec ardeur. Nous disions cela, sans le savoir, sans y croire ; nous ne savions rien »[2].

À la Corderie, dans les clubs, au journal de Blanqui, au Réveil de Delescluze, au Combat de Félix Pyat, on éventre le plan de l’Hôtel-de-Ville. Que signifient ces sorties partielles, jamais soutenues ? Pourquoi laisse-t-on la garde nationale à peine armée, inorganisée, hors de toute action militaire ? Où en est la fonte des canons ? Six semaines de bavardages, d’oisiveté, ne laissent plus aucun doute sur l’incapacité, sinon sur le mauvais vouloir de la défense. La même pensée naît dans les cerveaux. Que les sceptiques laissent place aux croyants. Que Paris se reprenne. Que la maison commune de 92 sauve encore une fois la cité et la France. Chaque jour enfonce plus profondément cette résolution dans les

  1. Tenaille-Saligny, Tirard, Bonvalet, Greppo, Bertillon, Hérisson, Ribeaucourt, Carnot, Ranc, O’Reilly, Mottu, Grivot, Pernolet, Asseline, Corbon, Henri Martin, F. Favre, Clemenceau, Richard, Braleret.
  2. Enquête sur le 4 Septembre.